L'histoire se répète dit-on, mais parfois en pire. L'Alsace-Lorraine sera annexée au Troisième Reich après la signature de l'armistice entre la France et l'Allemagne nazie le 22 juin 1940, à Rethondes, dans le même wagon où fut signé l'armistice du 11 novembre 1918.
En adoptant une stratégie de mouvement inspirée par Erich von Manstein, dite du Blitzkrieg, en contournant la ligne Maginot par les Ardennes et grâce à une supériorité aérienne incontestable, l'armée allemande va défaire l'armée française en moins d'un mois. Éblouie par la glorieuse victoire de 1918, la population française va être consternée par cette catastrophe, causée par cette Drôle de Guerre, suivant une expression attribuée à Roland Dorgelès.
La naissance du fascisme et le réarmement de l'Allemagne
Après une décennie de prospérité, la crise de 1929 qui a démarré par l'effondrement de la bourse américaine (29 octobre 1929) va s'étendre aussi à l'ensemble du vieux continent. A la succession des faillites industrielles et bancaires va s'ajouter le développement de l'inflation.
L'Allemagne de la République de Weimar, grevée par les dommages de guerre, connaissait déjà une inflation galopante mais l'effondrement du cours du mark ira en s'accélérant. Ce pays sera durement touché par cette crise qui va entraîner un recul drastique de la production et le développement d'un chômage de masse.
Cette crise va s'étendre à l'ensemble des pays et favoriser la naissance et le développement des mouvements national-socialistes en opposition aux démocraties parlementaires jugées incapables de maîtriser une telle situation. Après une marche triomphale sur Rome (27 octobre 1922), Mussolini prendra le pouvoir en Italie. Une bonne partie de la population allemande tenait les sociaux-démocrates et la république de Weimar pour responsables de la défaite de 1918 et le 30 janvier 1933, Adolf Hitler sera nommé chancelier par le président Paul von Hindenburg.
Après l'incendie du Reichstag (27 février 1933) il obtiendra les pleins pouvoirs et le parti nazi va devenir le seul parti officiel du pays. Après l'épuration de la Nuit des Longs Couteaux (29 juin 1934) et le décès de Paul von Hindenburg, Hitler va cumuler les fonctions de chancelier et de président et endosser le titre de Führer. C'est le début du Troisième Reich.
En violation du Traité de Versailles, le Reich va annexer la Sarre par référendum, rétablir le service militaire obligatoire dans le cadre de la Wehrmacht, procéder à un réarmement massif et décider de ne plus payer les dommages de guerre.
L'Anschluss
Hitler, né à Braunau am Inn, petite ville autrichienne située à la frontière allemande, était favorable au rattachement de l'Autriche à l'Allemagne (Anschluss). Après l'assassinat du chancelier Engelbert Dollfuss (25 juillet 1934) par les nazis, son successeur Kurt Schusschnigg rencontra le Führer à Berchtesgaden (12 février 1938), celui-ci lui imposa de prendre Arthur Seyss-Inquart comme ministre de l'intérieur. Sous la pression allemande et confronté à des difficultés politiques Schusschnigg va démissionner et permettre à Seyss-Inquart de devenir chancelier. Le 10 avril 1938 les troupes allemandes pénètrent en Autriche sans rencontrer de véritable résistance. Le 13 mars 1938 l'Anschluss est proclamé et l'annexion de l'Autriche sera entérinée par la suite par un plébiscite le 10 avril 1938.
Les accords de Munich et l'invasion de la Tchécoslovaquie
Espoir de paix pour certains, capitulation face aux exigences de l'Allemagne pour d'autres, les accords de Munich allaient être signés le 30 septembre 1938 par Neville Chamberlain, Adolf Hitler, Edouard Daladier et Benito Mussolini. Ils prévoyaient, l'annexion des Sudètes par l'Allemagne alors que le pays concerné, la Tchécolovaquie, n'était même pas invité à la conférence.
Des lois discriminatoires envers les juifs avaient déjà été mises en place mais c'est la Nuit de Cristal du 9 novembre 1938 qui va révéler au monde entier la violence de l'antisémitisme du régime. Violant les accords de Munich, le Troisième Reich va encore poursuivre sa politique de conquête en incitant la Slovaquie à proclamer son indépendance et en envahissant la Bohême et la Moravie (mars 1939).
Du pacte germano-soviétique à la Drôle de Guerre
Le 23 août 1939, Joachim von Ribbentrop, Viatcheslav Molotov et Joseph Staline signèrent le pacte de non agression germano-soviétique au Kremlin qui va être interprété comme une alliance entre l'Union Soviétique et l'Allemagne nazie, provoquer des divisions dans le parti communiste (PCF) et plus tard la déchéance des députés communistes élus, l'interdiction du parti et de ses journaux.
C'est l'attaque de la tour hertzienne de Gliwice (Gleiwitz) par de faux soldats polonais, opération montée par Heinrich Himmler, qui va fournir le prétexte à l'invasion de la Pologne le 1er septembre 1939. Le 3 septembre 1939, la France, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande vont déclarer la guerre à l'Allemagne suivis plus tard par l'Afrique du Sud et le Canada.
Les troupes soviétiques entreront en Pologne le 17 septembre 1939 et en Finlande le 30 novembre 1939. Par des attaques coordonnées, aériennes et terrestres les troupes polonaises, prises en tenaille, sont contraintes à capituler, Varsovie tombe le 27 septembre 1939. Cette campagne donnera lieu à d'innombrables dévastations et déportations de population. Pour sécuriser l'approvisionnement en minerai de fer de Suède, les troupes allemandes, appuyées par les forces navales et aériennes, envahirent la Norvège et le Danemark le 9 avril 1940. Malgré la résistance norvégienne et le soutien des forces britanniques et françaises la Norvège restera occupée jusqu'à la fin de la guerre.
En France c'est le début de la Drôle de Guerre, une guerre que l'on déclare mais que l'on tarde à engager. Le 7 septembre 1939 l'armée française déclenche bien quelques offensives dans la zone frontalière de la Sarre mais elles vont être stoppées par le général Maurice Gamelin le 12 septembre 1939. En fait, cette guerre n'était pas drôle du tout. Plus tard, dans ses mémoires de Guerre de Gaulle va préciser : « quand la masse désorientée, sentant qu'à la tête de l’État rien ni personne n'était en mesure de dominer les événements, elle flottait dans le doute et l'incertitude ». Le conservatisme de l'état-major et son incapacité à définir une stratégie de guerre, ajouté au froid de l'hiver 1939/1940 et à l'inactivité des soldats, tout contribuait à affaiblir le moral des troupes. Quant à la population, elle eut à faire face à des restrictions et était contrainte d'accepter la perte d'acquis sociaux pour participer à l'effort de guerre.
La campagne menée par de Gaulle en faveur d'une guerre de mouvement s'appuyant sur les blindés n'a pas connu de véritable écho et les chefs comme Maurice Gamelin ou Maxime Weygand, qui avaient fait leur preuves, mais étaient âgés et manquaient peut-être de clairvoyance et de hardiesse pour affronter la situation. A cela il convient d'ajouter que, contrairement à la Grande Guerre, la mobilisation n'avait pas suscité d'enthousiasme. Cette situation d'attente va pratiquement durer jusqu'à l'offensive allemande de mai 1940.
La Bataille de France et la capitulation
Alors que l'état major avait été prévenu par le colonel Louis Rivet, chef des services secrets, des intentions des allemands de passer par les Ardennes, le plan stratégique d'une guerre défensive à la frontière belge et le long de la ligne Maginot, sera maintenu en l'état. L'offensive allemande sur le front occidental va se déployer en mai 1940 par l'attaque aérienne, des blindés et des troupes des Pays-Bas et de la Belgique en passant par les Ardennes pour réaliser la fameuse percée de Sedan.
Les forces alliées (françaises, britanniques et belges) seront encerclées dans le Nord de la France. Près de 300 000 soldats alliés, essentiellement britanniques seront évacués vers le Royaume-Uni. C'est l'opération Dynamo, du nom de la pièce, à Douvres, ou fut planifié le sauvetage par le vice-amiral Bertrame Ramsay, qui contenait un générateur électrique.
Des milliers de civils fuiront les bombardements en croisant sur les routes une armée en déroute que la propagande présentait, hier encore, comme invincible. Cette bataille occasionnera près 60000 morts dans les rangs de l'armée française et la débâcle va entraîner plus d'un million prisonniers. Parmi eux il y avait des alsaciens et des mosellans dont certains, après leur retour au pays, vont être enrôlés dans l'armée allemande. Quelques épisodes de cette guerre vont aussi révéler la cruauté des affrontements comme à Chasselay où près de cinquante tirailleurs sénégalais qui participaient à la défense de Lyon furent massacrés pour l'exemple.
Devant une situation militaire désespérée et sous la pression de son entourage, notamment de sa compagne Hélène de Portes, Paul Reynaud démissionnera et le président Lebrun fera appel au maréchal Philippe Pétain pour devenir président du Conseil et négocier les conditions d'un armistice qui sera signé à Rethondes le 22 juin 1940. Cet armistice prévoyait la démilitarisation des forces françaises, la division de la France en zone occupée et zone libre, la prise en charge des frais d'occupation et l'installation d'un gouvernement de collaboration : le gouvernement de Vichy.
La chasse aux boucs émissaires
C'est un usage quasi universel que de désigner au peuple ceux qui sont responsables des événements fâcheux. Et le parti communiste français va être le premier à en faire les frais. Le 26 septembre 1939, suite au pacte germano-soviétique, le gouvernement Daladier dissoudra le parti et la Chambre des Députés prononcera la déchéance des députés élus le 20 janvier 1940. Des membres du PCF, suspectés de trahison, seront arrêtés ou obligés de se réfugier dans la clandestinité. D'ailleurs, on peut penser que pour une grande partie de la classe dirigeante, l'idéologie communiste était perçue, à cette époque, comme plus dangereuse que l'idéologie fasciste qui elle ne menaçait pas directement l'ordre capitaliste établi.
Plus tard, à partir du 19 février 1942, le régime de Vichy va orchestrer le procès de Riom dans le but de faire porter la responsabilité de la défaite principalement à Léon Blum, Edouard Daladier, Paul Reynaud, Maurice Gamelin et Guy La Chambre. Cette parodie de justice devant un tribunal d'exception, couverte par les journaux du monde entier, aura comme effet principal d'accorder une tribune à la défense où Blum et Daladier vont s'illustrer. Cette procédure, qui va finir par déplaire aux allemands, sera abandonnée en avril 1943. Les accusés, arrêtés par le régime de Vichy, seront transférés et internés en Allemagne jusqu'à la Libération.
L'annexion de l'Alsace-Lorraine
Après la déclaration de guerre, alors que l'on pensait que la ligne Maginot allait être le centre des combats, près de 600 000 alsaciens et mosellans seront évacuées des zones frontalières vers le Sud-Ouest de la France. L'université de Strasbourg partira pour Clermont-Ferrand et ne sera rapatriée qu'à la fin de la guerre.
L'armistice du 22 juin 1940 signé à Compiègne entre le général Charles Huntziger, représentant le gouvernement du maréchal Pétain, et le général Wilhelm Keitel, va définir la partition de la France entre une zone libre et une zone occupée mais n'avait rien prévu concernant l'Alsace-Lorraine. Le 18 octobre 1940, Hitler va procéder à l'annexion des trois départements au territoire allemand. Les deux départements alsaciens seront rattachés au Gau Oberrhein avec le Pays de Bade pendant que la Moselle sera rattachée à la Sarre et au Palatinat dans le Gau Westmark.
Balayons ce fatras welche est le thème d'une célèbre affiche de propagande nazie conçue par Alfred Spaety alors étudiant à l’École des Beaux Arts de Strasbourg. Il avait planché sur un exercice imposé loin de se douter que celui-ci allait provoquer son incarcération après la libération. On y voit, pêle-mêle, jetées aux orties les références à la France comme la tour Eiffel, le béret, Marianne, Hansi, le Journal la République de Strasbourg et les romans patriotiques d’Émile Zola ou de René Bazin.
Cette affiche reflète bien la politique de germanisation mise en place le Gauleiter Robert Wagner. Les écoles confessionnelles vont être interdites et on va faire appel à des enseignants badois pendant que ceux en place seront envoyés en rééducation pour leur permettre de se familiariser avec les nouveaux programmes et la doctrine nazie (Umschulung). La plupart des grandes entreprises furent mises sous séquestres ou sous contrôle et intégrées au système industriel et militaire allemand comme Mathis, Pechelbronn, la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM), les Forges de Strasbourg ou de Dietrich. Les populations jugées indésirables (français, juifs, tziganes, africains) vont être expulsées et leurs biens seront confisqués. Les symboles de la France (littérature, presse, timbres, nom des rues, statues ...) seront bannis ou détruits et les prénoms vont être germanisés.
Cette germanisation est encore aggravée par la nazification qui conduit à l'expulsion de certaines populations (francophiles, juifs, bohémiens, arabes, noirs …) et à une utilisation permanente de la propagande. Cette politique s’appuiera aussi sur un système répressif confié à la Gestapo (geheime Staatspolizei) dont le rôle est de traquer les résistants, de procéder à des interrogatoires sous la torture, d'arrêter et de déporter les populations rejetées par le régime. Des organisations comme la Hitlerjugend vont permettre l'embrigadement de la jeunesse, démarrer la préparation militaire et favoriser l'accès au parti nazi NSDAP (National Sozialistische Deutsche Arbeiter Partei).
En août 1942 près de 130 000 alsaciens et mosellans vont être incorporés de force dans l'armée allemande, ce sont les Malgré Nous. Certains étaient partis à la guerre sous l'uniforme français en 1939. Ils vont connaître le même sort que les Feldgrauen de la première guerre mondiale et être envoyés sur le front de l'est. Bon nombre d'entre eux ne reverront plus leur pays car tués au combat ou décimés dans les camps de prisonniers comme celui de Tambov, tristement célèbre.
Un colonel, commandant un régiment de blindés de la 5ième armée va aussi se morfondre à Wangenbourg pendant le temps que dure cette drôle de guerre, sous les ordres du général de Lattre de Tassigny. Il va être promu général de brigade puis secrétaire d’État dans le gouvernement Reynaud avant de s'exiler à Londres pour lancer son fameux appel à la BBC du 18 juin 1940 en faveur d'une poursuite de la lutte armée contre l'Allemagne nazie.
Contre la croix gammée de l'Allemagne nazie et la francisque du régime de Vichy, symbole de la collaboration, va donc se dresser la croix de Lorraine.
Bruno Meistermann
Bibliographie indicative : La drôle de guerre : Guy Rossi-Landi : fondation nationale des sciences politiques : 1971 Dictionnaire de l'occupation de l'Alsace-Moselle : Yves Moritz : 2022 L'Alsace pendant l'annexion de fait (1940-1945) :
Lexique : Archives Départementales : Michèle Ludmann 2019
Histoire de l'Alsace sous l'occupation allemande 1940 1945 : Marie-Joseph Bopp Gabriel Bauener 2011
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