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La vie de l'impératrice Adélaïde épouse d'Otton le Grand

C'est une traduction libre d'un texte de 1782 de Georges Auguste de Breitenbauch intitulé «Lebensgeschichte der Kayserin Adelheid Gemahlin Ottons des Grossen» qui retrace la vie de l'impératrice Adélaïde et dépeint la situation de l'empire à l'époque des dynasties carolingiennes et ottoniennes (10ème siècle). Adélaïde est un personnage clé du règne des ottoniens qui après avoir été reine d'Italie, impératrice du Saint Empire Romain Germanique, régente et co-régente sous son fils et son petit-fils a choisi pour dernière demeure le monastère d'une petite bourgade alsacienne située au bord du Rhin.

 

 

 

Adélaïde était une descendante des rois de Bourgogne dont le royaume s'étendait de part et d'autre du Jura, le long du Rhin et du Rhône et qui était bordé par la Lorraine au Nord et par la Méditerranée au Sud. Ce royaume, un morceau de la Lotharingie, vit le jour sous son grand-père Rodolphe 1er, fils de Conrad comte de Paris.

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Rodolphe connaissait les troubles qui frappèrent la Germanie après la mort de Charles III. Il profita de la situation pour entrer en possession, sans verser de sang, des territoires situés entre le Jura et les Apennins. Aidé par le relief montagneux et les forteresses il s'y installa et Arnulf, le successeur de Charles III, lui octroya le titre de roi de la Bourgogne transjurane (889 ou 894). Son fils Rodolphe étendit les frontières du royaume lorsque Hugues, le tuteur de Constantin, lui abandonna la Bourgogne Cisjurane (939) en échange de la renonciation au trône d'Italie. Ils se nomma roi des états de la Bourgogne Cis et Transjurane et de la Gaule Cisalpine. Il se montra assez malin pour se lier à son voisin, le duc de Souabe, qui lui consentit la main de sa fille, Berthe de Souabe, la mère d'Adélaïde.

 

On ne peut dire avec précision la date de sa naissance qui se situe vraisemblablement en 931 ou 932. On sait aussi peu de choses de sa jeunesse si ce n'est que sa mère a veillé à son éducation comme c'était le cas dans les plus grandes familles nobles de l'époque. Cette princesse parfaite de corps et d'esprit allait trouver pour époux Lothaire, roi d'Italie.

 

Berenger, un fils d'Evrard duc de Frioul et descendant de Charlemagne par sa mère Gisèle, fille de Louis le Pieux et de Judith de Bavière, pris la résolution, après la mort de Charles III, de s'emparer du royaume d'Italie. Dans ce but il fit alliance avec Guy duc de Spolète qui avait la même intention pour le royaume de France.

 

La situation délicate de l'empire qui sous Arnulf devait combattre les normands et les maures lui était propice et Bérenger put s'emparer du trône de Lombardie. Alors que les attaques contre la France de Guy de Spolète échouèrent, Berenger oublia son alliance et se tourna vers l’Italie, fort de sa descendance de Charlemagne. Il lui livra deux batailles (889) et après la dernière il fut contraint de se réfugier en Germanie auprès d'Arnulf.

 

Arnulf envoya en Italie une armée (893) commandée par son fils illégitime Zwentibold. Cette campagne infructueuse contraint Arnulf, à l'appel du pape Formose, et pour lutter contre l'oppression de Guy de Spolète, de se rendre lui-même en Italie. En peu de temps il conquit la Lombardie et chassa Guy de Pavie. Ses campagnes victorieuses furent stoppées par la famine et les maladies contagieuses qui frappèrent son armée. Il repassa les Alpes et tenta en vain de châtier Rodolphe qui avait apporté son soutien à Guy de Spolète.

 

Guy se releva après le départ d'Arnulf mais mourut en 894. Arnulf et Berenger pensaient avoir assis leur domination sur l'Italie,  mais la situation évolua. Agiltrude, la femme de Guy profita des désordres causés par les Hongrois pour placer son fils Lambert sur le trône de l'Empire et amena le pape à couronner ce dernier. Mais presqu'aussitôt ce même pape offrit la couronne à Arnulf au prétexte que Lambert était trop faible pour le protéger contre le margrave de Toscane Adalbert et contre l'antipape. Arnulf accueillit ce nouvel appel avec joie car il lui donnait l'occasion de parachever l'action entreprise lors de la première campagne.

 

A la tête des ses troupes il marcha sur Rome, assiégea la ville, et la conquit sans difficulté malgré la défaillance de l'infidèle Berenger. Agiltrude réussit à fuir et à se mettre en sécurité avec grand peine. En 896 elle vit avec dépit que la couronne fut retirée de la tête de son fils et placée sur celle d'Arnulf et que la population de Rome prêta serment au nouveau souverain. Ce dernier ne se contenta pas de cette soumission tant que Agiltrude était en liberté. Il fit le siège du château de Fermo (d'autres disent à Spoleto)où elle s'était réfugiée. Elle doit sa survie à une dose de poison ou filtre d'amour qu'elle confia à un serviteur d'Arnulf et qu'elle avait préalablement soudoyé. La somnolence dans laquelle Arnulf tomba l'empêcha de poursuivre sa campagne. Il leva le siège et s'en retourna en Germanie (896).

 

Tous les avantages acquis par sa bravoure disparurent après son retrait. Berenger, qui s’était enfui pour échapper à la vengeance de l'empereur, refit surface pour revendiquer le trône qu'on lui avait arraché. Beaucoup de grands le suivirent, d'autres prirent le parti de Lambert ce qui provoqua une scission du royaume. Cette scission dura jusqu'en 898, année ou Lambert fut tué lors d'une partie de chasse par Hugues, le fils de Maginfried que Lambert avait assassiné. Toute l'Italie fut alors réunie sous le sceptre de Berenger.

 

Après une année (899), Ermengarde, la mère de Louis d'Arles, poussée par l'orgueil, lui opposa son fils comme anti-roi. Elle échoua lors de sa première tentative malgré les intrigues employées. Berenger s'opposa à elle avec une armée si forte qu'elle fit le serment de ne plus traverser les frontières de l'Italie. Ce serment assura à Berenger plus de sécurité. Mais Ermengarde réussit à convaincre le duc de Toscane Adalbert de fournir son aide à Louis qui, confiant, retourna en Italie, occupa une partie des possessions de l'empire et se fit couronner empereur à Rome (901). Adalbert, à qui il devait sa fortune ne manqua pas de la lui voler à nouveau. Il attira à lui les grands féodaux, rappela Berenger qui l'attaqua à Vérone et lui creva les yeux en punition de sa déloyauté.

 

La défaite de son rival et l'alliance conclue avec les hongrois qui se faisaient menaçants permirent à Berenger d’asseoir son autorité d'empereur (916). Les circonstances semblaient réunies pour lui assurer un règne jusqu'à la fin de sa vie. Mais alors qu'il ne se méfiait pas de l'inconstance de ses vassaux, c'est son propre gendre, Adalbert d'Ivrée, qui, par avarice ou déloyauté, fomenta un soulèvement contre lui. Les insurgés s'adressèrent à Rodolphe de Bourgogne pour lui proposer la couronne impériale (921).

 

Rodolphe ne pouvait pas refuser une proposition qui flattait son ambition de gouverner deux royaumes. Il entra en Italie en 922, battit Berenger et s'empara de ses territoires. Mais ce qu'il avait obtenu par la force il va le perdre par la déloyauté de ses vassaux. Une grande partie d'entre eux, mécontents de sa sévérité et de son inconstance reprirent le parti de Berenger. Puis ils se détournèrent à nouveau de ce dernier en l'accusant d'attirer les hongrois en Italie, auteurs de nombreuses dévastations. Berenger perdit même ses amis les plus fidèles et fut finalement assassiné par l'un de ses plus fidèles serviteurs à Vérone en 924. Sa mort transforma le mécontentement en vénération et tout le monde déplorait la perte d'un suzerain brave, doux et amoureux de justice.

 

Ces événements ne tournaient pas à l'avantage de Rodolphe mais suscitèrent plutôt à son encontre la haine (925). Ses adeptes se tournèrent vers Hugues, le régent du pays vu que la cécité de Louis d'Arles le rendait inapte au commandement. Hugues était le fils du comte Thibaud d'Arles et de la princesse Berthe fille de Lothaire II et de sa deuxième femme Walrade, excommuniée par le pape Nicolas 1er. Ces actes démontrent que Hugues était hypocrite et cruel et qu'il essayait par tout moyen de satisfaire sa soif de pouvoir.

 

Rodolphe demanda de l'aide à son beau-père Burchard, le duc de Souabe qui l'accompagna avec son armée en Italie. Mais après la mort de ce dernier sur l'instigation du duc Guy de Toscane et de l'archevêque de Milan Lambert il renonça à ses prétentions en Italie, un pays où il ne pouvait pas compter sur la loyauté de ses vassaux, et retourna dans son royaume. Hugues se fit couronner roi d'Italie (926) et après quelques années, pour consolider son trône, il reconnut comme co-régent (931) le fils d'à peine un an qu'il a eu d'Alda (Hilda), une princesse de franconnie.

 

Pendant ce temps les circonstances devinrent pour lui favorables pour s'imposer à Rome. Marozie, célèbre pour sa beauté, ses courtisans et ses crimes, était devenu veuve du margrave Guy de Toscane. Elle régnait sur la ville et promut comme successeur son fils adultérin Jean XI qu'elle avait eu avec le pape Serge III. Elle se voyait fortifiée dans sa seigneurie par un lien avec le roi d'Italie. Celui-ci donna suite, bien que ce lien avec l'épouse du demi-frère était interdit par l'église. Ce mariage se tint à Rome et tous les grands féodaux assurèrent le roi de leur soumission.

 

Une insulte à l'encontre de son beau-fils va mettre un terme à sa souveraineté. Alberich, le fils de Marozie, poussa les romains à la révolte au moment des cérémonies du mariage, il chassa son beau-père Hugues de Rome et fit enfermer Marozie qui va mourir en prison.

 

Les romains, mécontents de ce mariage qui fit couler le sang et du sort réservé à certains grands féodaux, rappelèrent Rodolphe. Mais il n'avait aucune envie de faire confiance à un peuple aussi versatile et s'entendit avec Hugues, renonça à ses droits sur l'Italie contre la Bourgogne Cisjurane que Constantin, le dernier fils de Louis l'Aveugle, avait volé.

 

A peine Hugues s'était-il débarrassé d'un rival que les italiens lui opposèrent un nouveau en la personne du duc Arnulf de Bavière (934). Ce prince vint en Italie mais n'était pas assez puissant pour s'y établir. Hugues s'empara à nouveau du territoire et força Rome à se soumettre. Comme il n'arriva pas à ses fins à cause de la famine qui sévissait, il s'entendit avec Alberich et lui donna sa fille Alda en mariage, afin d'obtenir ce qu'il ne pouvait pas acquérir par les armes.

 

Au même moment leurs trônes furent menacés par un concurrent plus puissant, Henri, le roi des romains. Les romains qui préféraient se soumettre à un souverain puissant qu'à un petit tyran, l'appelèrent en Italie pour lui offrir le titre d'empereur auquel il pouvait aspirer en tant que descendant des carolingiens.

 

Il se prépara sans plus tarder à cette campagne mais sa mort brutale apporta un soulagement aux deux régents qui s'entendirent grâce à l'intervention du pape Léon VII et quelques années plus tard de celle de Martin II.

 

Voilà quel était la situation de l'Italie au moment où Adélaïde accéda au trône. Son père Rodolphe, roi de Bourgogne s'est éteint en 937. Hugues, qui ne put épouser Marozia chercha une autre princesse. Il jeta son dévolu sur Berthe, la veuve de Rodolphe et fille de Burchard de Souabe, connue pour sa beauté et sa piété. Et comme il obtint son consentement (938), il en profita pour demander la main de sa fille Adélaïde pour son fils Lothaire alors âgé de 8 ans. Cette alliance qui promettait un avenir brillant à la princesse fut acceptée sans difficultés et Hugues conduisit son fils en Bourgogne pour célébrer les fiançailles. Ce dernier entoura sa promise du plus grand respect et la dota de 5 seigneuries parmi lesquels Marengo et Olonna et de 3 abbayes. C'est avec enthousiasme que Berthe accepta cette double union. Mais pour elle, la réussite n'était pas au rendez-vous. Autant Adélaïde trouva son bonheur dans cette union autant pour Berthe son mari était une source de mécontentements. Il ne pouvait pas résister à son penchant pour la débauche et plusieurs courtisanes l'amenèrent à rompre le pacte de fidélité. La princesse Vandelmonde, une roturière souabe du nom de Bezola, Rosa et Stephana d'origine romaine, partagèrent tour à tour son lit et causèrent en permanence à Berthe beaucoup de contrariétés. Ces ennuis détournèrent Berthe de la conduite, qu'elle partageait avec son mari, du nouvel empire. Pour protéger Conrad son fils elle s'adressa à Otton le glorieux successeur d'Henri et lui demanda d'être son tuteur. Otton le prit à sa cour et s'occupa de la régence de ses possessions. Il lui apporta les bases pour gouverner avec sagesse, rendre ses vassaux heureux et être aimé des princes. Sous sa surveillance on lui enseigna l'art de la guerre et il lui permit d'assister à la campagne victorieuse menée par Hughes le Grand contre Louis IV. Conrad quitta la cour pour retourner dans ses territoires qu'il agrandit du comté d'Arles après la mort de son beau-frère Lothaire.

 

Pendant que Berthe plaçait son fils sous la protection d'Otton pour assurer la sécurité des états, son mari redoutait que les fils du margrave Adalbert d'Ivrée, Anchar et Berenger ne réclament l'héritage de leur père et de leur grand père maternel. Hugues essaya d'abord de se rapprocher d'eux par le mariage avec une nièce mais comme ils ne renoncèrent pas à leurs prétentions, il se résolut à employer la force. C'est Anchar qui fut la première victime de son désir de possession et dans une bataille celui-ci perdit la vie. Quant à Berenger, il devait perdre la vue. Pour ce faire on a tenté de l'attirer dans une réunion amiable ; mais Lothaire qui détestait ce procédé l'a prévenu. A l'époque il ne savait pas encore que ce sera plus tard son ennemi. A ces nouvelles, Berenger pris la fuite et se réfugia auprès de Hermann duc de Souabe. Sa femme enceinte le rejoignit, à pieds, à travers les montagnes et par un autre chemin. Il se rendit ensuite à la cour d'Otton pour demander sa protection et lui offrit des cadeaux que celui-ci refusa. Quand Hugues appris la nouvelle il offrit une somme d'argent substantielle pour obtenir de l'empereur sa livraison. Otton, bien trop généreux pour trahir un malheureux fugitif qui s'est placé sous sa protection permit à Berenger de rester à la cour. Il fit répondre à Hugues que Berenger lui a demandé d'intercéder auprès de lui pour arriver à un arrangement, qu'il ne pouvait pas refuser sa protection mais qu'il ne soutiendrait pas une action qui porterait atteinte à son royaume. Hugues n'était pas dupe et savait que lorsque les affaires de Germanie laisseraient à Otton un peu de liberté, il saisirait le prétexte de la protection de Berenger pour s'établir en Italie suivant en cela le vœu de son père. D'autre part, il n'était pas assez puissant pour arracher son ennemi des mains de son protecteur.

 

Là-dessus, deux nouveaux ennemis menacèrent le royaume : les arabes et les hongrois. Pour combattre les arabes qui s'étaient installés à Fraxinetum sur la côte Ligure, Hugues s'allia aux grecs (942). Il obtint une paix désavantageuse et leur laissa un territoire alpestre situé entre la Souabe et l'Italie pour en faire un rempart contre une invasion éventuelle de Berenger.

 

Il a pu convaincre les hongrois, grâce à de fortes sommes d'argent, de ne plus entrer sur les côtes italiennes et de se tourner vers l'Espagne.

 

A cette époque, l'empereur byzantin Constantin , successeur de Romain le Vieux, courtisa Hugues pour obtenir la main d'une de ses princesses pour son fils Romain le jeune. Comme il n'avait pas de fille légitime il lui donna Berthe qu'il avait eue de Pazola et qui était d'une beauté singulière. L'union fut prononcée en 944 après avoir transformé le nom de la mariée en Eudoria et sans se soucier de l'âge du marié qui avait alors 5 ans. Il ne tira pas avantage de cette union car Eudora est morte en 949 à l'âge de 14 ans.

 

La joie suscitée par cette union fut troublée par l'agression de Berenger qu'il redoutait depuis longtemps. Malgré la tentative de réconciliation initiée par Otton, ce prince envahit l'Italie à la tête de troupes obtenues sans doute de Hermann de Souabe. En promettant terres et honneurs, il réussit à convaincre les grands féodaux de se rallier à lui. Hugues se voyant abandonné perdit courage. Il pensait à sa couronne et à la manière de faire pour préserver celle de son fils qui avait alors à peine 15 ans. Il l'envoya à Milan qui était déjà prise par Berenger et exhorta les grands féodaux que même s'ils ne lui étaient pas fidèles qu'ils aient pitié de cet enfant. L'innocence de ce jeune prince et l'humilité avec laquelle il s'était agenouillé devant la croix ont ému l'assistance. Leur aversion pour la maison de Hugues semblait s'être transformée en zèle au profit du fils et à l'unanimité et ils lui déclarèrent leur soumission.

 

Cela s'est produit probablement avec l'assentiment de Berenger qui ne voulait pas laisser l'image de quelqu'un qui évince son ancien protecteur par la force. Lothaire étant dans des dispositions pacifiques il pouvait lui laisser le titre de roi et exercer le pouvoir en tant que margrave d'Ivrée.

Pendant ce temps, Hugues s'enfuya en Bourgogne, avec ses trésors, pour trouver refuge auprès de son beau-fils Conrad (le fils de son épouse Berthe). Berthe, dont il n'est plus question, est sans doute déjà décédée à cette époque. Berenger, soucieux de récupérer les trésors, rappela Hugues et lui promit la jouissance paisible de son royaume. Hugues se laissa convaincre de revenir mais face au déclin de son prestige et au faible pouvoir que Berenger lui laissait ainsi qu'à son fils, il lui devint insupportable de rester dans un pays qu'il gouvernait jadis avec tant de magnificence. Il décida de quitter l'Italie pour la deuxième fois après avoir recommandé son fils à Berenger et en emmenant ses trésors. Il est décédé peu de temps après (947) après un règne de 21 ans et 9 mois . Certains auteurs disent en tant qu'abbé du monastère Saint-Pierre d'Arles qu'il avait fondé. Il laissa son héritage à sa nièce Berthe, veuve de Boson comte d'Arles, et qui a épousé Raymond comte de Rouergue. Son corps a été vraisemblablement transféré par son fils à Milan car on a trouvé une inscription dans l'abbaye Montmajour.

 

Lorsque Lothaire avait atteint l'âge de 17 ans, les grands féodaux de l'empire qui lui sont restés fidèles le poussèrent à conclure l'union avec Adélaïde dont la promesse avait été décidée 10 ans auparavant. Adélaïde avait alors 16 ans (947) et ce mariage devait consolider le trône. Le bonheur d'une union avec une princesse si parfaite ne lui fit pas oublier la perte de son pouvoir confisqué par Berenger. Dans toutes les affaires importantes il devait s'en référer à lui et c'est à peine si on l'autorisait de temps à autres de faire des donations à un monastère.

 

Cet empiétement sur ses droits l'offensait d'autant plus qu'il avait jadis sauvé la vie à Berenger. Il se tourna vers l'empereur Constantin VII dont le fils Romain est devenu son beau-frère en épousant sa belle-sœur. L'empereur demanda à Berenger de rester fidèle à Lothaire. Berenger envoya à l'empereur son propre secrétaire Luitprand mais celui-ci devait payer de sa poche les cadeaux à faire. Cette démarche de Lothaire est peut-être à l'origine de sa mort. Il va mourir empoisonné et il est vraisemblable que l'instigateur ait été Berenger car pour lui c'était un obstacle pour accéder au trône. Sa mort intervint le 22 novembre 952 à Turin après avoir rencontré sa femme à Pavie. Il va être enterré à Milan dans la tombe paternelle. Son règne n'aura duré que 3 ans et 7 mois et dépendait du pouvoir arbitraire de Berenger. Il n'a connu que des événements tragiques, n'a été soulagé que par l'amour que lui portait son épouse et n'a pas atteint l'âge de vingt ans. Même s'il n'a pas pu faire tout le bien qu'il aurait voulu pour ses sujets, ces derniers l'ont sans doute regretté.

Par sa morale irréprochable et sa noblesse de cœur il attira toutes les sympathies. La princesse quant à elle perdait l'amour de sa vie et son unique soutien pour le trône. Elle perdait tout espoir et l'idée que sa mort allait conforter le pouvoir de son rival accroissait encore son désespoir. Elle se voyait, avec sa fille Emma, fruit d'un amour qui aura duré trois ans, abandonnée de tous et craignait, non sans raison, que Berenger ne continue à la poursuivre. Elle ne se laissa pas dévaster par le chagrin et après avoir rendu les derniers hommages à son mari elle se rendit à Pavie.

 

Après la mort de Lothaire, Berenger s'y rendit aussi. Il récupéra le soutien des grands du royaume et se fit élire roi. Le vote intervint 24 jours après la mort de Lothaire et son fils Adalbert partagea cette dignité. Comme il se voyait en possession de la couronne tant convoitée, il songea à consolider les possessions de sa famille par le mariage de son fils Adalbert avec la veuve de Lothaire. Une princesse aussi jeune, elle avait alors 19 ans, et aussi belle, semblait digne d'épouser son fils. Il estima qu'il était nécessaire d'avancer la cérémonie car si un autre prince avait la même idée celui-ci pourrait prétendre aux droits sur les territoires qu'il venait juste d'obtenir. Il se hâta de faire la demande en mariage.

Comme Adélaïde déclina l'offre, par dépit, il 'empara de sa personne pour au moins ne pas être inquiété par une autre offre de mariage. La voyant en son pouvoir, il la fit conduire au château situé au bord du lac de Garde soit parcequ'il pensait ne pas pouvoir la garder avec sécurité à Pavie, soit parce qu'il voulait l'enfermer dans un endroit ou jadis elle brillait de sa dignité royale. Berenger la dépouilla de ses bijoux et ne lui accorda qu'une femme de chambre pour assurer son service. A la demande de sa femme Willa, une princesse qui avait tous les vices, il poussa la cruauté jusqu'à l'enfermer dans le cachot d'une tour et à lui faire endurer la faim et les coups. Elle était éprouvée par un traitement aussi dur, elle qui ne connut jusque là que le bonheur. Dans sa détresse elle se confia à son aumônier Martin, en qui elle avait toute confiance, et lui demanda de la libérer des chaînes de ce tyran. Le religieux se préoccupa de sa libération et chercha une sortie du château qui n'était pas gardée. Après d'intenses recherches il trouva un sortie sur une douve qui donnait sur la campagne. De cette manière, certains auteurs prétendent que c'est par une ouverture creusée dans le mur, il réussit à exfiltrer sa maîtresse et sa servante, cachés sous des vêtements d'homme. Lorsque les fugitives arrivèrent au lac, un pêcheur les emmena en barque jusqu'à la rive opposée. Au lever du jour la nouvelle de la fuite d'Adélaïde fut ébruitée. Le comte se lança à sa poursuite mais la reine se méfia et ne continua sa route qu'après s'être assuré que les poursuivants aient quitté les bords du lac. Elle se cacha pendant quelques jours dans les bois et les grottes, dans les champs de maïs et les roseaux. N'ayant pas de nourriture, elle était ravitaillé par son aumônier qui par la mendicité réussit à rassembler les provisions nécessaires. Après de longues et vaines recherches conduites par le comte et son fils Adalbert ils abandonnèrent la poursuite.

 

Adélaïde, avant de continuer son voyage, envoya son aumônier auprès de Adélard, évêque de Reggio, qui était resté fidèle à son mari et en qui elle avait confiance. Il lui annonça la libération de la reine et le pria de lui trouver un endroit sûr pour qu'elle puisse échapper aux attaques du tyran. L'évêque se tourna aussitôt vers le margrave de Modène, le brave Albert Azzo, et lui demanda de mettre à la disposition de la reine le château-fort de Canossa pour lui servir de refuge.

Ce château, situé entre Reggio et Parme était une des plus grandes forteresses d'Italie ; entouré de douves qui la protégeaient, il ne pouvait être pris qu'en affamant la garnison. Le grand-père de Berenger l'avait assiégé en vain. Avec une escorte suffisante et en faisant des détours le margrave conduisit la reine à son refuge. Cette citadelle imprenable et l'accueil chaleureux de son propriétaire rassurèrent Adélaïde après toutes ses péripéties mais elle n'était pas complètement satisfaite. Elle redoutait que sans un protecteur plus puissant qu'Azzo, Berenger continuerait à la persécuter. Elle pris la résolution de se tourner vers Otton, le roi de Germanie, qui devint célèbre par ses victoires sur les hongrois et qui par sa magnanimité pourrait la protéger. Elle lui fit parvenir une lettre dans laquelle elle lui relata la persécution de Berenger, sa fuite et le pria de lui accorder sa protection. Elle lui proposa en échange de lui offrir sa main. Cette missive était accompagnée d'une lettre du pape Agapet dans laquelle celui-ci s'unissait à la requête de la reine et lui demandait de sauver l'Italie de l'oppression de Berenger. Cette offre, donnait à Otton l'occasion de réunir à nouveau la Germanie à l'Italie, séparée d'elle depuis le temps du règne d'Arnulf, et la proposition de remplacer la perte de sa première femme Edith, ne le laissèrent pas indifférent. Il envoya à Adélaïde une réponse favorable et accepta avec gratitude et dignité le don de son cœur. Un messager lui fit parvenir la réponse et une bague comme gage de son amour réciproque. Otton se prépara à cette campagne d'Italie mais comme il était préoccupé par les troubles en Bohême, il envoya son fils Ludolph en éclaireur. Le succès de cette campagne a donné lieu à plusieurs interprétations de la part des chroniqueurs. Certains racontent que Ludolphe a rencontré tant de difficultés qu'il n'a pas obtenu gain de cause. Henri de Bavière, le frère d'Otton, qui enviait son bonheur disent-ils, avait détourné de lui les ducs et les comtes italiens qui avaient alors fermé les portes de leurs villes et contraignirent, par défaut de nourriture, son armée au repli. D'autres écrivent le contraire. D'après eux Ludolphe entra en Italie sans verser le sang et retourna triomphalement en Germanie. La première version semble toutefois la plus crédible car Otton avait davantage confiance en son frère qu'en son fils.

Toujours est-il qu'à peine Ludolphe était-il de retour que Otton alla lui-même en Italie et emporta son fils avec lui. Certains chroniqueurs avancent que c'est sous prétexte d'un pèlerinage et sans armée qu'il entra en Italie. Cette version semble peu crédible compte tenu de la puissance de son adversaire. Il se rendit à Pavie qui lui ouvrit ses portes. Berenger, parce qu'il ne pouvait plus compter sur ses vassaux, ou parce qu'il se sentait trop faible face au roi de Germanie, quitta la capitale et se réfugia dans un château-fort.

 

Après avoir conquis la ville, Otton envoya l'aumônier Martin avec une escorte à Canossa pour informer Adélaïde de son arrivée et de son désir de la voir. Il accompagna sa demande de riches présents. C'était d'ailleurs aussi le souhait le plus cher de la reine. Elle se mit en route pour rencontrer son libérateur à Pavie, fut accueilli par Henri de Bavière aux portes de la ville et reçu par Otton avec tous les signes d'une grande vénération. Le mariage fut célébré en octobre de l'année 951 et salué parle peuple et les grands du royaume. Les témoins, impressionnés par la beauté d'Adélaïde, louèrent la manière dont elle s'est prise pour sauver sa couronne et saluèrent la liberté retrouvée. Après les festivités Otton pris le titre de roi d'Italie et de digne successeur des empereurs carolingiens. Il chercha aussi à coiffer la couronne impériale et exercer sa souveraineté sur Rome et envoya dans ce but les évêques de Mayence et de Chur à Rome auprès du pape Agapet (952). Le pape était d'abord disposé à lui remettre la couronne mais Alberic, le margrave de Toscane, qui régentait Rome s'opposa à l'abandon de son privilège. Le pape n'accéda donc pas à sa demande. Otton aurait pu obtenir gain de cause par les armes mais les désordres qui régnèrent en Germanie le contraignirent à attendre un moment plus propice pour présenter sa requête. L'agitation était l’œuvre de son propre fils Ludolphe qui voyait d'un mauvais œil le remariage de son père. Il craignait, non sans raison, qu’Adélaïde, par sa beauté et son intelligence, et par l'ascendant qu'elle exerçait sur son père, ne parvienne à lui ôter la couronne qui lui était promise. A cela il faut ajouter la brouille avec son oncle, le duc de Bavière, qu'il accusait d'être à l'origine de sa mésentente avec son père. C'est à cause de cela qu'il quitta brusquement l'Italie pour rejoindre la Saxe ; il passa les fêtes de Noël à Saalfeld et profita de la réunion des princes pour fomenté une émeute contre son père.

 

Lorsque Otton apprit la nouvelle (printemps 952) il quitta l'Italie avec son épouse et nomma son gendre, le duc Conrad de Lorraine, gouverneur de Pavie pour protéger cette ville des attaques de Berenger. Mais avant de partir et pour remercier le libérateur d'Adélaïde de la protection qu'il avait apportée, il fonda une église à Canossa à laquelle il accorda d'importants privilèges. Lorsque Otton arriva en Saxe avec son épouse, avant les fêtes de Pâques, car il voulait assister aux festivités dans l'ancienne ville royale de Magdebourg, les seigneurs de l'empire l'accueillirent avec enthousiasme. L'esprit de révolte disparut soudain sans doute davantage par l'admiration suscitée par la souveraine que par son retour. La belle-mère Mathilde accueillit Adélaïde comme si elle était sa propre fille. Cette princesse pieuse qui depuis la mort de son mari faisait œuvre de piété loua dieu pour avoir donné à son fils une nouvelle reine pétrie de qualités, en remplacement d'Edith.

Le bonheur et la gloire du début du règne d'Adélaïde furent encore rehaussés quand elle vit son ennemi à ses pieds. Les armes, certains disent les conseils de Conrad, poussèrent Berenger à se rendre en Germanie en compagnie de Conrad pour assurer à Otton de sa soumission. La générosité, montrée déjà par ce monarque lors du conflit avec Hugues, lui donnait l'espoir d'obtenir le pardon. Il se rendit à Magdebourg, où se tenait la cour, et les grands féodaux le conduisirent auprès d'Otton en grande pompe. Mais Otton, excité peut-être par son frère, ne le reçu pas avec les égards qu'il attendait ; il lui indiqua une auberge et le fit lanterner 3 jours avant de le recevoir. Conrad et Ludolphe témoignèrent leur mécontentement et lui demandèrent d'accorder l'entrevue. Otton précisa que Berenger devait se rendre à la diète d'Augsbourg où son affaire serait débattue. Obéissant, Berenger se rendit avec son fils à Augsbourg pour se présenter devant une assemblée de seigneurs saxons, bavarois et lombards ainsi que l'armée réunie. Ce témoignage d'humilité était destiné à apaiser la colère d'Adélaïde qu'il avait tant persécutée.

Le roi et la reine était satisfaits par cette repentance et abandonnèrent tout esprit de vengeance. Non seulement Otton lui pardonna mais il lui rendit ses terres à l'exclusion d'Aquilée et de Vérone qu'il donna à son frère pour avoir, lors d'un guerre future, un passage plus aisé vers l'Italie. Il posa toutefois la condition que ces terres, pour lui et pour son fils, devaient rester un fief du royaume.

Berenger accepta et avec son fils ils jurèrent fidélité à Otton avant de retourner dans leur pays.

Une sentence aussi légère n'était pas approuvée par l'assemblée et on estimait que c'était une faute d'avoir redonné à Berenger ses terres qui appartenaient maintenant au royaume et qu'on allait à nouveau exposer l'Italie au bon vouloir du tyran. Otton va regretter amèrement cet acte lorsqu'il sera à nouveau confronté à l'infidélité et à la férocité de Berenger.

 

Vers cet époque (952), Adélaïde mis au monde un prince nommé Henri. Il est peu connu car est décédé dans sa prime jeunesse. Cet événement aussi joyeux va avoir de tristes conséquences pour le royaume Germanie car il allait déclencher une révolte qui couvait déjà sous la cendre. La rumeur courait qu'Otton allait faire du nouveau prince son successeur et Ludolphe voulait à tout prix l'en dissuader. Il était soutenu par divers seigneurs parmi lesquels se trouvait Conrad de Lorraine, le gendre d'Otton, mécontent qu'ont lui ait retiré les terres au profit de Berenger, l'archevêque de Mayence, l'évêque de Strasbourg et Arnulf de Scheyern qui était l'ennemi d'Otton car il lui a pris ses possessions de Bavière pour les donner à son frère Henri. Dès qu'il eu vent de la rébellion, Otton s'empressa d'éteindre l'incendie en convoquant les auteurs à Mayence pour qu’ils s'expliquent sur leur infidélité. Ils trouvèrent toutes sortes d'excuses et notamment ils prétendaient qu'ils ne visaient pas Otton mais son frère Henri. Ludolphe avait vraiment des querelles de frontières avec ce dernier et considérait qu'il le dénigrait auprès de son père. Ludolphe et Conrad estimaient aussi que les faveurs que Henri entretenait auprès d'Adélaïde leur portaient tort. Ils demandèrent à Otton de fixer un lieu où ils pourraient se défendre de l'accusation.

 

Bien qu'il n'accorda pas foi à leur discours, Otton se sentit obligé, parce qu'il se sentait entouré d'ennemis, de les satisfaire et désigna l'archevêque de Mayence pour fixer un lieu où ils pourraient s'expliquer. Il a ensuite voulu célébrer les fêtes de Pâques à Aix-la-Chapelle (ou Ingelheim) mais les préparatifs étaient si déplorables qu'il se décida à se rendre en Saxe après avoir demandé qu'ils renouvellent leur serment de fidélité. Dans ce royaume de ces ancêtres sa mère avait veillé soigneusement à l'organisation fastueuse des festivités. Il y trouva le soutien et l'attachement des grands féodaux à sa personne si chaleureux qu'il déclara que les promesses qu'il avait faites, dans des circonstances si malencontreuses, étaient caduques. Il précisa à son fils et à ses adeptes qu'ils devaient livrer les auteurs de la rébellion sous peine d'être désignés comme ennemis du royaume.

 

Là-dessus Otton convoqua une diète à Fritzlar au cours de laquelle on allait examiner la question et où les responsables devaient se présenter. Deux seigneurs de belle prestance, Dedan et Guillaume, se présentèrent et compte tenu de leurs états de service pendant les guerres contre les anglais, les northumbriens et les danois, ils furent condamnés à l'exil.

 

Ce jugement sévère, qui aurait dû faire peur aux autres, ne fit qu'attiser la révolte. Alors Otton pris la décision de répondre à la force par la force. Avec une grande armée et accompagné de ses partisans, Henri de Bavière, Gero margrave de Brandebourg, Lausnitz et le comte palatin Herrmann, il décida d'attaquer les deux principaux instigateurs de la rébellion. Après avoir pris plusieurs villes aux adversaires il se dirigea vers Mayence que Ludolphe avait occupé et où ce dernier attendait résolument son père en compagnie de Conrad. L'ardeur des assiégeants et des assiégés, comme dans toute guerre civile, était extraordinaire. Otton fit construire des tours pour faire le siège de la ville et les assiégés étaient résolus à repousser les attaques. Si on craignait l'empereur à l'extérieur, l'héritier de l'empire était craint à l'intérieur de la ville. Le siège a duré plus de deux mois avec des fortunes diverses. Des négociations furent entreprises, menées par le beau-frère d'Otton Egbert.

Ludolphe et Conrad se présentèrent au campement d'Otton et se jetèrent à ses pieds, demandèrent pardon et le prièrent d'épargner leurs amis. Otton exigea que les chefs de l'insurrection lui soient livrés pour mettre un terme à cette guerre sanglante. Mais la susceptibilité de Ludolphe face aux reproches sévères de Henri mit un terme aux négociations. Ludolphe retourna dans la ville et prit la décision d'ignorer Egbert et les bavarois et de poursuivre le conflit. Dans ce but il conduisit ses troupes à Ratisbonne, s'empara de la ville à la suite d'une trahison d'Arnulf de Scheyern, partagea le butin de son oncle avec ses compagnons et contraignit la femme et les enfants de celui-ci à prendre la fuite. Ces événements incitèrent Otton à lever le siège de Mayence pour poursuivre son fils en Bavière et protéger de la destruction les possessions de son frère. Ludolphe l'attendait de pied ferme et souhaitait une rencontre avec lui que l'évêque d'Augsbourg lui déconseilla. Il décida de s'enfermer dans la ville de Ratisbonne. Otton fit le siège de la ville jusqu'en hiver mais la rigueur du temps l'obligèrent à lever le siège pour retourner avec son armée en Saxe.

 

Pendant ce temps Adélaïde mit au monde un deuxième prince du nom de Bruno qui mourut, lui aussi, au bout de 4 ans. L'année suivante (954) la guerre gagna toute la Germanie et suscita de nouveaux ennemis à Otton.

 

Otton avait confisqué la Lorraine à Conrad de Lorraine pour la donner à son frère Bruno qui fut élu archevêque de Cologne. Conrad, sans doute parce qu’il se sentait trop faible pour résister avec Ludolphe à Otton, fit appel aux hongrois pour l'aider à satisfaire son appétit de vengeance. Cette décision exposa son pays à d'importantes exactions que la bravoure du père d'Otton et grand-père de sa femme a jusque là a pu éviter. Ces barbares envahirent le pays avec une rapidité incroyable jusqu'à atteindre Cologne et Worms et pénétrèrent en Lorraine jusqu'en Champagne. Ils envahirent aussi la Bourgogne et la Provence et menacèrent Conrad, le frère d'Adélaïde, qui était attaqué par deux ennemis redoutables. En effet, en plus des hongrois, il devait aussi faire face aux arabes qui s'étaient établis dans les Alpes et dans les territoires frontaliers de la France. Pour se défendre il utilisa une ruse, il demanda aux hongrois de l'aider à combattre les arabes et aux arabes de l'aider à combattre les hongrois. Ces demandes étaient naturellement accompagnées d'importantes promesses et de cadeaux. Les deux envahisseurs se livrèrent alors à une bataille acharnée. Lorsqu'ils furent tous deux affaiblis Conrad les attaqua avec des troupes fraîches et leur infligea une défaite si terrible qu'ils retournèrent dans leur pays par une autre voie.

 

Après qu'Otton ait renforcé son armée en Saxe, il se rendit au printemps de l'an 955 en Bavière pour poursuivre, avec plus de force que l'année précédente, sa guerre contre les rebelles. Cette fois les circonstances lui étaient plus favorables. Les bavarois qui se sentaient menacés par des ennemis de l'intérieur et de l'extérieur lui prêtèrent volontiers allégeance et demandèrent son aide pour mettre fin aux désordres. Il accepta une trêve et demanda aux conjurés de se présenter à une diète prévue à Zinna, près de Magdebourg, le 15 juin, pour rendre compte de leurs méfaits. Au nombre des conjurés se trouvait maintenant son propre frère Bruno. Cet ingrat était si peu soucieux des bienfaits d'Otton, qui lui avait donné en fief la Lorraine, qu'il proposa la couronne à Conrad, le gendre d'Otton. Toutefois, cette infidélité ne dura pas longtemps. Et pour prouver son repentir il se rendit avec Ludolphe et Conrad à la diète. Lorsqu'ils apparurent devant lui, Otton tint l'émouvant discours suivant :

 

- Si l'indignité de mon fils et de ceux qui me persécutent ne dérangeait que moi je supporterait cette honte avec sérénité, mais c'est l'ensemble du monde chrétien qui est bouleversé. Les émeutiers ont pillé les villes et versé le sang de mes proches et de mes chers vassaux. Regardez-moi, je suis privé de mes enfants pendant que mon fils est le pire de mes ennemis, alors que je l'ai aimé tendrement et élevé d'une situation médiocre aux plus hautes dignités. Et c'est mon fils unique qui est mon ennemi. Tout ceci serait encore supportable s'ils n'avaient pas conduit dans le royaume les ennemis de Dieu et de notre Patrie. Encore récemment ils ont ruiné mon royaume, capturé ou tué mes sujets, incendié les églises et étranglé les prêtres. Après avoir versé des flots de sang, ils retournent dans leur pays chargé des trésors avec lesquels j'ai enrichi mon fils et mon gendre. Dites-moi comment peut-on faire pour être plus inique et plus infidèle ? Vous n'attaquez pas seulement ma personne mais aussi la reine parce que je l'ai choisie pour épouse et que vous pensez avoir un concurrent pour la couronne. Et si cela arrive, avez-vous si peu confiance en mes sentiments paternels que vous ne pouvez pas chasser de votre cœur cette peur infondée ? Ne connaissez-vous pas les vertus d'Adélaïde qui a apporté à votre maison un royaume ? Ne mesurez-vous pas l'importance de ce geste ? Si tout ceci ne vous touche pas alors résignez-vous à perdre votre honneur après la misère semée par votre rébellion dans tout le pays -.

 

Ce discours emprunt de sentiments paternels ramena Ludolphe, qui avait offensé son père de la pire des manières, à de meilleurs sentiments. Il était prêt à faire cesser ses forfaits en déclarant sa soumission. C'est Henri, qui ne pouvait pas contrôler son ressentiment, qui le mis à nouveau en colère par ses reproches répétés. Il a rappelé le malheur qu'il a causé en appelant les hongrois et l'accusa même de les avoir soudoyés. Il l'a désigné comme l'ennemi principal du royaume et ajouta qu'il préférait s'exposer à tous les désagréments plutôt que de le voir revenir en grâce. Ludolphe chercha à se défendre en précisant qu'il a été contraint à ces extrémités par désespoir. Sur ce, abandonné par l'archevêque de Mayence et par Conrad qui se rendirent et demandèrent grâce, il rejeta toutes les propositions de soumission. Le lendemain il retourna à Ratisbonne avec le reste de ses partisans, bien résolu à tenter tout ce qui était possible pour s'opposer au pouvoir de son père.

 

Otton se vit contraint de poursuivre la guerre à ce fils ingrat. Il le poursuivit jusqu'à son repère et après l'échec de la prise du château de Horsdal il l'attaqua avec la plus grande férocité. Après une résistance farouche opposée par Arnulf il prit la résolution de les affamer. Les assiégés, pour éviter cette extrémité, tentèrent à plusieurs reprises des sorties mais qui son restées sans succès. Dans une de ces tentatives le courageux défenseur succomba les armes à la main.

 

Après un siège d'un mois et demi, alors que la faim avait plongé les assiégés dans le désespoir, Ludolphe demanda à son père d'entamer des négociations de paix. Otton lui fit savoir qu'il n'appartenait pas à un rebelle de faire une telle demande à son roi et lui demanda de se rendre. Ludolphe quitta la ville pour se réfugier en Souabe, à Tussa (Illertissen). Otton abandonna le siège de la ville pour poursuivre son fils. Les deux armées se préparèrent à une bataille sanglante mais les évêques d'Augsbourg et Chur intervinrent en signalant qu'une capitulation de Ludolphe pourrait effacer ses méfaits et éviter l'affrontement. Ludolphe qui se fia à la mansuétude dont son père avait toujours fait preuve le rencontra pour la troisième fois pour lui demander pardon. Otton qui doutait peut-être de la repentance de son fils lui promit seulement d'arrêter le combat et lui demanda de se présenter à la diète de Fritzlar pour faire sa déclaration publique et attendre le verdict de l'assemblée. Ludolphe pensait qu'il n'était pas judicieux de différer le moment de la réconciliation car ses adversaires pourraient rendre celle-ci plus difficile. Il saisit l'occasion de la participation d'Otton à une chasse, près de Saalfeld, lieu des premiers soulèvements, pour arracher ses vêtements, se jeter à ses pieds, et exprimer sa repentance dans un discours si émouvant qu'Otton et les participants en furent retournés.

 

Ce bon père était loin de penser à infliger à son fils une punition. Il lui proposa même le duché de Souabe qu'il lui avait enlevé à cause de sa rébellion. Mais Ludolphe, satisfait de la grâce accordée, ne se sentait pas digne d'une telle gratitude et n'accepta qu'une petite portion du territoire. Peu de temps après, lors des États Généraux d'Arnstadt, Conrad se réconcilia avec ses pairs. Les deux y exprimèrent leur regret et leur soumission à Otton. Conrad renonça au duché de Lorraine à l'exception d'une bande de terre, promit une loyauté inébranlable et d'obtenir la rémission de ses fautes par le sacrifice de son sang. Les chroniqueurs qui relatent la réconciliation de Ludolphe avec son père ne mentionnent pas si Adélaïde a, elle aussi, pardonné. Mais, même si la haine et la méfiance de ce beau-fils envers elle sont à l'origine des troubles, on peut penser que sa vertu lui a dicté sa conduite, celle de suivre l'exemple de son mari.

 

En cette année 954, Otton qui eut la satisfaction de mâter la rébellion, fut encore comblé par la naissance d'un troisième fils. Sa naissance était d'autant plus souhaitée que le premier était déjà mort à cette époque. Par une prémonition heureuse Adélaïde va lui donner le nom d'Otton car le ciel allait en faire l'héritier de la renommée de son père. Elle va porter un soin attentif à son éducation pour le préparer à son destin et confier celle-ci à son oncle, le prélat Bruno, qui lui enseigna les sciences et l'éleva dans la droiture et la crainte de Dieu. Suite à l'humiliation des principaux rebelles, le feu de la désunion n'était pas éteint pour autant et la guerre se poursuivait. Ratisbonne poursuivit son soulèvement contre le duc de Bavière et lorsque cette ville capitula et que Otton se rendit en Saxe (955), ce sont les hongrois qui pénétrèrent dans le pays et semèrent la terreur. Ils commirent de terribles atrocités, pillèrent les églises, livrèrent les prêtres à leur fureur et les traces de la violence marquèrent chacun leurs pas. Après avoir appris ces méfaits, Otton aidé par les francs, les guerriers de Bavière et de Bohême et par Conrad les attaqua.

 

Otton les rencontra à Augsbourg et fit le vœu en cas de victoire de construire une église à Mersebourg dédiée à Saint Laurent. Le sort de la bataille fut longtemps incertain. Les guerriers de Bohême cédèrent à la furie des hongrois et l'armée entière aurait été défaite si Conrad et Otton, sans céder à la peur, n'avaient pas rassemblé les troupes pour les mener à la victoire. Leur exemple incita les bavarois à lancer une nouvelle attaque qui a fait céder les hongrois et a conduit à leur défaite. La plupart des hongrois ayant échappés à l'épée furent brûlés dans les villages où ils se sont retranchés ou périrent noyés dans le Lech qu'ils voulaient traverser à la nage. Trois de leurs généraux surpris en train de fuir on été embrochés sur ordre de Henri. Cette victoire glorieuse a aussi causé le sacrifice de beaucoup de héros, parmi eux, Conrad qui à cause de la chaleur a ouvert sa visière et qui a été tué par une flèche plantée dans son cou. Il a demandé à dieu que sa mort éteigne le mal qu'il a pu causer par sa révolte. Son corps fut transféré à Worms en grande pompe comme il se doit pour un héros.

 

Henri, le frère d'Otton n'a pas pu profiter de cette grande victoire parce qu’il a été terrassé trois mois après par une maladie, sans doute à la satisfaction de Ludolphe qui perdait ainsi son ennemi irréconciliable. Il fut remplacé par son fils Henri comme duc de Bavière.

 

Immédiatement après la bataille et à la manière des anciennes armées romaines, l'armée proclama le vainqueur empereur et père du peuple. Otton retourna en Saxe auréolé de gloire pour récupérer, dans les bras de son épouse, des épreuves endurées et pour accueillir les acclamations de son peuple. Adélaïde mit au monde son quatrième enfant, une fille prénommée Mathilde du nom de sa grand-mère. Cette princesse portait ce nom à juste titre car elle lui ressemblait par ses vertus et sa piété. C'est elle qui va devenir abbesse de Quedlinbourg, un couvent fondé par sa grand-mère, et qui va assurer la glorieuse régence pendant l'absence de son neveu Otton III.

 

Le bonheur d'Adélaïde aurait été complet si elle ne craignait une rechute de Ludolphe dans ses penchants séditieux qui pourraient conduire à la persécution de sa progéniture. Mais depuis sa soumission il montrait, à elle et à son père, une obéissance inébranlable et un repentir sincères. Otton était tellement satisfait de lui qu'il lui confia le royaume d'Italie et la direction de la campagne contre Berenger qui est redevenu violent et tyrannique et qui assiégeait le margrave Azzo à Canossa. Ludolphe prit la forteresse, suite à la famine qui régnait chez les assiégés, poursuivit Berenger et battit son armée et celle de son fils. Les chroniqueurs ajoutent que Berenger s'est réfugié dans la forteresse Saint Guilio d'Orta située sur une île et fait prisonnier il fut livré à Ludolphe qui lui laissa la vie sauve. Les efforts que Ludolphe a fait pour libérer la Lombardie ne lui apportèrent guère de remerciements de la part des grands féodaux du pays qui lui reprochèrent son ancienne infidélité. Profondément affecté, Ludolphe va mourir de fièvre en l'an 957 à Pombia. Les chroniqueurs sont en fait partagés car certains prétendent qu'il a été empoisonné par Berenger, ou plutôt par la méchante Willa (épouse de Berenger) , au moyen d'un breuvage apporté par un serviteur soudoyé, d'autres pensent qu'il a été poignardé par Adalbert (fils de Berenger).

 

La nouvelle de sa mort plongea Otton, qui était en campagne contre les slaves du Nord, dans une profonde tristesse. Son amour paternel pour ses enfants, même indignes, lui fit oublier toutes les infidélités dont il s'était rendu coupable. Il mettait cela sur le compte des princes rebelles qui l'on soutenu et ne garda à l'esprit que ses bonnes qualités. Peut-être qu'Adélaïde voyait dans cette mort l'espoir de voir son fils devenir hériter du trône. Ce vœu allait se réaliser quatre ans plus tard. après que Otton n'entame une nouvelle campagne en Italie. Berenger s'était installé dans les territoires abandonnés après la mort de Ludolphe. Et comme le roi, son suzerain, avait abandonné la guerre contre lui, il avait promis, pour le satisfaire, de trouver une réponse aux plaintes des vassaux et de laisser Azzo tranquille. Ces promesses n'allaient pas être suivies d'effet. Il opprima à nouveau les princes et les évêques si bien que le pape Jean 12 , l'évêque de Milan et de nombreux princes se plaignirent de lui auprès d'Otton et demandèrent son aide. Ces plaintes étaient encore davantage dirigées contre Willa, l'épouse de Berenger. Le récit de leur misère et la promesse solennelle d'être couronné roi d'Italie et empereur le poussèrent à accéder à leur demande.

 

Il confia la conduite de la guerre contre les slaves à Hermann Billung qu'il nomma gouverneur de Saxe et demanda au Reichstag de Worms de désigner son dernier fils Otton comme successeur au trône de Germanie pour consolider la succession au cas où il lui arrivait malheur pendant la campagne d'Italie et pour éviter les querelles habituelles au moment des élections. L'assemblée accéda à sa demande bien que la coutume voulait de ne pas désigner un mineur (Otton n'avait que 6 ou 7 ans) et de préférer le fils du frère aîné Ludolphe, le duc de Souabe. Otton fut élu à l'unanimité et, peu après, les lorrains le reconnurent comme leur duc. Il fut couronné à Aix-la-Chapelle par l'archevêque de Cologne. Ce dernier, avec l'archevêque de Mayence furent désignés comme régents du royaume.

 

Après ces préparatifs, Otton se rendit en Italie en compagnie de l'archevêque Adaldag de Hambourg, un de ses préférés, et les évêques de Osnabrück, Minden, Hildesheim et Fulda. Adélaïde prit la décision de l'accompagner soit pour être témoin de la soumission de son ennemi Berenger soit pour participer au couronnement de son mari dans un pays qui lui tenait à cœur, jadis gouverné par son père, son beau-père et son mari.

 

Le succès de cette campagne répondait aux attentes de ceux qui firent appel à Otton. A peine avait-il pénétré dans les états de Berenger, que celui-ci quitta Pavie, après avoir détruit le palais royal, pour s'enfermer dans sa forteresse parce qu'il ne se sentait pas de taille à accepter un affrontement en pleine campagne. Adalbert ne voulait pas fuir sans avoir tenté une offensive. Il pénétra avec une armée importante dans le Val d'Adige. Il n'osa rien entreprendre car ses vassaux lui signifièrent qu'ils ne lui obéiraient que sous la condition que son père démissionne en sa faveur. Comme Berenger, sous la pression de Willa, n'y était pas disposé, ils rejoignirent l'armée d'Otton. Ce dernier s'installa à Pavie, sans trouver de résistance, y célébra le festivités de Noël et se fit couronner roi de Lombardie par l'archevêque de Milan Walpert de Médicis.

 

Il se rendit ensuite à Rome pour consolider la dignité et les territoires du pape Jean 12 contre l'assurance que celui-ci ne rejoindrait jamais le parti de Berenger. Il fut accueilli par une foule en liesse et couronné empereur. Adélaïde partagea cette dignité et se voyait ainsi rétablie dans ses droit perdus après la mort prématurée de son premier mari. Elle eut le plaisir d'obtenir de nouvelles preuves de la tendresse que lui portait son mari par l'octroi de dignités et de dons aux personnes qui lui étaient dévouées. C'est ainsi que l'abbé Maximin de Trêves fut nommé archichancelier de l'impératrice, que les biens des fils de Berenger à Modène et à Bologne furent donnés à l'évêque de Modène, que des libéralités furent accordées au couvent de Cassino et que l'évêché d'Asti obtint conformation de ses privilèges.

Après avoir consolidé son pouvoir Otton alla à la rencontre de Berenger et de sa famille. Il assiégea dans un premier temps l'île St Giulio sur le lac de Orta où se trouvait Willa, s'empara d'elle, de ses trésors mais laissa Willa en liberté. Là dessus il se rendit à St Leo dans le territoire des Montefeltro, une forteresse en Ombrie où Berenger s'était retiré et où Willa s'était rendue après sa libération. L'ingrate Willa, de peur de tomber dans les mains d'Adélaïde qu'elle avait jadis maltraitée, chercha à détourner son mari de toute idée de capitulation. Otton assiégea tout l'été cette forteresse mais dû rejoindre Rome avec une partie de son armée car le pape Jean , s'était allié à son ennemi Adalbert, malgré la promesse sous serment de libérer l'Italie de son pouvoir. A l'arrivée de Otton, Adalbert et le pape s'enfuirent. On organisa un synode au cours duquel le pape Jean fut accusé de tels crimes qu'Otton lui retira sa dignité pour la confier à Léon. La paix rétablie, les romains devaient jurer fidélité au nouveau pape.

 

Ce serment à peine prononcé fut rompu, car Jean trouva le moyen de pousser ce peuple versatile à la révolte (965) et sans la vigilance et le courage des gardes, l'empereur aurait été assassiné dans son palais. Pendant ce temps, les châteaux de Gardo et de St Leo furent occupés et Berenger, Willa et leurs filles durent se rendre. Otton, voyant ce roi entre ses mains, n'éprouva aucune rancune pour son infidélité mais pour l'empêcher de nuire davantage il l'envoya en captivité à Bamberg où il fut traité avec les égards dus à son rang. Adélaïde alla encore plus loin en témoignant de la générosité envers la famille de son persécuteur. Elle prit à sa cour les deux filles adultes Gisèle et Gerberge et se soucia de leur bien-être pour leur faire oublier le sort réservé à leur maison. Adalbert, le fils de Berenger, qu'un chroniqueur appelle par erreur son compagnon d'infortune, resta en Italie. Il chercha d'abord refuge à Fraxinetum auprès des arabes avant de rester reclus à Camerino en attendant des jours meilleurs pour faire valoir ses droits sur l'Italie. Ses deux jeunes frères Conrad et Guido se cachèrent en d'autres endroits. Berenger ne put jouir de l'hospitalité que deux ans. Il mourut en l'an 966 sur le lieu de son exil où il fut enterré avec les honneurs. Sa mort leva les inquiétudes sur les troubles que son caractère instable pouvait toujours susciter. Willa se retira, même avant l'enterrement de son mari, au monastère à Bamberg pour expier les méchancetés qu'elle avait commises.

 

Otton avait à peine quitté Rome pour assiéger Adalbert à Camerino que le parti de Jean fomenta de nouveaux troubles. Jean retourna à Rome et provoqua un bain de sang dans le parti de ses adversaires. Il destitua le pape Léon mais mourut peu après d'une mort conforme à sa vie dépravée qui lui a fait perdre le siège pontifical. Après sa mort les romains élurent Benoit sans tenir compte du devoir qu'ils avaient envers Otton. A cette nouvelle, ce dernier quitta Camerino pour Rome, destitua Benoît et intronisa à nouveau Léon. Puis il voulait parachever la prise de la forteresse mais comme entre temps Adalbert s'était enfui en Corse, il renonça à ce projet et estima qu'il était inutile de le poursuivre en s'assurant qu'il ne pouvait plus lui nuire. C'est ainsi que prit fin la campagne à la satisfaction d'Adélaïde et de son mari qui s'en retournèrent en Germanie en compagnie de Benoît, confié plus tard à l'archevêque Adaldag chargé de le surveiller. Ils furent accueillis avec joie par les princes et leur vassaux restés au pays ainsi que par les archevêques de Mayence et de Cologne.

 

Leur séjour était de courte durée mais agrémenté par le mariage de Emma, la fille d'Adélaïde née de son premier mari Lothaire. Celle-ci avait alors 17 ans (966). Si l'on en croit une vieille chronique, elle était destinée dans ses jeunes années à Henri, le fils du frère d'Otton. Mais un parti plus prestigieux se présenta à elle en la personne de Lothaire le roi de France. Ce seigneur était en parenté avec Otton car fils de Louis IV d'Outremer et de Gerberge de Saxe, la sœur d'Otton. Otton tenait sans doute beaucoup à ce mariage. Après qu'Adélaïde ait assisté au couronnement de sa fille aînée, une autre couronne allait orner la tête de sa seconde fille Mathilde, issue de son mariage avec Otton. Elle trouva cette parure d'autant plus belle qu'elle-même accordait plus d'importance à la dignité spirituelle qu'aux honneurs de ce monde. Cette princesse, sur les conseils de sa belle-mère qui s'était chargée de son éducation, s'était destinée à se mettre au service de Dieu. Elle fut admise au monastère de Quedlinbourg et devait succéder plus tard à Diemoth de Waldhausen au poste d'abbesse. Peu de temps après, Adélaïde entreprit avec son mari, avec qui elle partageait toutes les fortunes, un deuxième voyage en Italie. Ce voyage fut tout aussi agréable car il fut l'occasion de couronner son fils empereur et de fortifier la domination de son mari sur les italiens infidèles.

 

Les grands féodaux et nobles romains suscitèrent à nouveau des troubles. Peu après le départ de l'empereur et la mort du pape Léon, ils essayèrent à nouveau de se débarrasser de la domination des germains et de s'emparer du gouvernement de Rome. Ils chassèrent le préfet de la ville ainsi que le pape Jean XIII qui avait été placé sur le trône pontifical avec l'assentiment d'Otton. Les fils de Berenger, Adalbert et Guido profitèrent du fait que l'Italie était libérée de l'armée germanique pour sortir de leur cachette et soutenir vraisemblablement le soulèvement. Otton leur envoya d'abord Burchard de Souabe pour mâter la révolte. Arrivé sur les rives du Pô il repoussa les insurgés et força Adalbert, dont le frère était tué dans cette bataille, à fuir à nouveau dans les montagnes. Burchard retourna en Germanie mais la quête d'indépendance des romains était toujours aussi vivace et la révolte des lombards n'était pas réprimée, Otton prit la résolution d'entreprendre un nouveau voyage.

 

Son arrivée en Italie fut triomphale et terrifiait ses adversaires. Quelques partisans d'Adalbert furent aussitôt arrêtés et envoyés en Germanie et les romains prêtèrent à nouveau allégeance à la satisfaction d'Otton. Comme il apprit que sa mansuétude les poussait à de nouveaux soulèvements, il décida d'utiliser une autre méthode pour calmer leur esprit frondeur. Il envoya les consuls en Germanie dans le plus grand dénuement, il fit pendre les tribuns, fit exhumer le cadavre du préfet de la ville de Gothard (certains disent le comte Rofred) pour l'exposer à la vindicte populaire et placer le nouvel élu sur un âne.

 

Après avoir calmé la rébellion par ces mesures si sévères et rétabli l'autorité impériale il se rendit pour un synode à Ravenne au cours duquel il a élevé le monastère de Magdebourg, qu'il a fondé sur les conseils d’Édith sa première épouse, au rang d'Archevêché pour permettre la propagation de la foi chrétienne auprès des populations slaves vaincues. Il éleva aussi le couvent de Mersebourg au rang d'évêché et proposa de le faire dépendre de l'archevêché de Magdebourg. La proposition fut ajournée à cause de l'opposition de l'évêque de Halberstadt qui estimait que Magdebourg devait dépendre de son évêché. Elle ne devint effective qu'en 969. Peu de temps après il fit venir son fils, qui avait alors 13 ans, à Vérone puis à Rome où les deux furent accueillis avec faste par le sénat. Après que son père eut quitté Rome, Otton fut proclamé empereur en 967 et couronné par le pape Jean XIII. Son père l'a alors déclaré co-régent de l'empire si bien que son règne débute à partir de cette date.

 

Au moment où la providence exauçait les vœux d'Adélaïde de voir son fils couronné deux fois, l'espoir d'un mariage de celui-ci avec une des princesses les plus distinguées de la chrétienneté offrait les plus belles perspectives pour consolider son futur pouvoir et étendre le frontières de l'empire. Cet une légation de l'empereur byzantin Nicéphore qui est à l'origine de cette alliance. Ce monarque, que l'armée a mis sur le trône après la mort de Romain le Jeune, et que l'alliance avec la jeune veuve de ce dernier a conforté dans son pouvoir, envoya des émissaires à Otton en même temps que des cadeaux pour solliciter son alliance et son amitié. Il souhaitait probablement aussi le détourner d'une invasion des Pouilles et de la Calabre et le retour sous son autorité des duchés de Capoue et de Bénévent. L'année suivante (968), Otton envoya Liutprand comme émissaire à Constantinople pour poursuivre les négociations entamées demander la main de sa belle-fille Theophanie pour son fils. Nicéphore n'a pas seulement dénié à Otton le titre d'empereur des romains mais l'accusa aussi d'être responsable des brutalités et des exécutions commises en Lombardie. L'émissaire répondit avec véhémence à ses propos et Nicéphore jeta ce dernier en prison. Il lui rendit ensuite la liberté et le renvoya auprès d'Otton avec le message que le mariage ne pouvait être conclu que sous la condition qu'il rende Pavie, Rome et l'Italie et que si Otton abandonnait cette idée pour une simple alliance il lui fallait rendre les duchés de Capoue et de Bénévent et laisser Rome en liberté. Otton essaya alors d'obtenir par la force ce qu'il n'avait pu atteindre par la négociation. Il entra en Grèce avec son armée (969) où Adalbert avait rassemblé des combattants qui furent rejoints par des auxiliaires grecs commandés par Conrad. Sur recommandation de Liutprand il arrêta les hostilités après avoir donné satisfaction à Conrad en lui accordant des territoires ou une rente annuelle. Il ne parvint pas à s'entendre avec Adalbert qui pendant un certain temps erra en mer avant de mourir prisonnier à Autun.

 

C'est alors que les grecs usèrent d'un stratagème honteux. Nicéphore envoya alors à Otton des émissaires pour lui faire savoir qu'il regrettait le refus et qu'il était prêt à accorder la main de la princesse. Lorsque Otton envoya une troupe importante pour les accueillir, les grecs les assaillirent, pillèrent le camp des germains, tuèrent un grand nombre de soldats et firent plusieurs prisonniers. Otton, pour se venger de ce forfait, envoya les meilleurs de ses hommes mettre la Calabre à feu et à sang.

 

Un changement de gouvernement à Constantinople va favoriser les plans d'Otton. Jean, sur l'instigation de Téophanie qui était mécontente du refus concernant sa fille, assassina Nicéphore (969) et fit brûler sa veuve peu après. Pour consolider son pouvoir il rechercha un nouvel accord avec Otton en cédant la princesse. Otton tomba d'accord sous la condition que Jean reconnaisse Otton comme empereur des romains, qu'il lui laisse Rome, l'Exarchat de Ravenne, Capoue , Bénévent et Salerne en contrepartie de la reconnaissance des anciennes possessions grecques de Naples, des Apulies et de la Calabre. Après cet accord on envoya des émissaires à Contantinople pour chercher la princesse et Otton se rendit à Rome avec son fils pour l'attendre. Elle arriva en compagnie de l'évêque de Metz, d'une grande suite et de nombreux cadeaux qu'elle distribua à la cour de son mari. Elle suscita auprès de tous l'émerveillement par sa beauté, son attitude affable et son intelligence. C'est dans la semaine pascale de l'année 972 que se déroula le mariage qui fut applaudit par les grands de Germanie et d'Italie et accompagné de réjouissances dignes des héritiers des deux empires romains. Là-dessus on célébra le couronnement de l'impératrice avec les mêmes festivités que celles du couronnement de son mari cinq ans auparavant.

 

Nul doute qu'Adélaïde, qui aimait sa maison et son empire, participa pleinement à cet heureux événement. La suite va montrer qu'elle aura moins l'occasion de s'en réjouir que son peuple. Quelques mois après elle quitta l'Italie où elle a séjourné six ans pour retourner en Germanie en compagnie du couple nouvellement uni.

 

Dans l'intervalle la guerre reprit contre les arabes. C'est Guillaume comte de Provence, auquel Otton avait vraisemblablement confié la mission avant son départ, qui mena cette guerre avec succès car il remporta une victoire en 972 et les chassa de Fraxineto où ils s'étaient installés.

 

Mathilde n'eut pas le privilège de connaître l'épouse de son petit-fils car elle est décédée à Quedlinbourg en 968 pendant l'absence de son fils. Personne n'était plus digne qu'elle d'être pleurée par Adélaïde et de toute sa maison. Les historiens sont unanimes à louer sa piété et ne lui reconnaissent qu'une faiblesse ; elle nourrissait un penchant trop partial envers son deuxième fils Henri ce qui l'empêchait de rendre justice au plus méritant de ses autres fils. Sa générosité donna l'occasion à ses ennemis de la salir auprès de ses fils en affirmant qu'elle dilapidait ses biens par des donations pour les appauvrir et se réfugier dans un couvent ; de ce fait elle quitta la Saxe pour se rendre à Engern. Mais les fils reconnurent son innocence, se réconcilièrent avec elle et lui firent allégeance.

 

Cette mort prépara Adélaïde à un drame encore plus douloureux, celui de perdre son mari au cours de la première année de son arrivée en Saxe. Le monarque entreprit différents voyages à travers ses états héréditaires, visita plusieurs grandes villes et laissa partout des signes de sa bienveillance et de son amour paternel. Il était accompagné par le souvenir du duc Mersebourg avec son épouse pour célébrer l'ascension et confia l'évêché nouvellement créé à Boson. L'aggravation de sa maladie l'obligea à quitter cet endroit pour se rendre en compagnie de Bruno, seigneur de Querfurt, à Memleben, un monastère situé au bord de l'Unstrut. Le lieu lui était particulièrement cher car la fondation du monastère était attribuée à sa mère et c'est là que son père est décédé. Il espérait ici pouvoir se refaire une santé grâce au changement d'air et retourner, une fois rétabli, à Quedlinbourg. Mais il va trouver là le terme de sa glorieuse destinée. Il perdit connaissance pendant le rituel des Vêpres auxquelles il assistait. On lui administra des médicaments et il reprit connaissance mais s'éteignit le soir, après le dîner, le troisième jour avant les fêtes de la Pentecôte (7 mai). On annonça la nouvelle aux personnes présentes qui furent frappées de stupeur. Devant l'ampleur de la perte, tous louaient ses services dans la gestion de son pays, sa bienveillance et rappelaient le souvenir de ses victoires, l’assujettissement de l'Italie, la destruction du paganisme et la propagation de la foi chrétienne par la construction d'églises et la fondation de monastères.

 

Les chroniqueurs ne relatent pas si Adélaïde à été témoin de sa mort ni comment elle a réagi. Sa tendresse qui a fait d'elle la compagne inséparable nous incite à penser qu'elle a accompagné son époux durant sa maladie et qu'elle a été frappée d'une profonde tristesse par le départ de celui qui l'a sauvée et élevée à la dignité impériale. Le jour suivant les grands féodaux de la cour jurèrent fidélité à Otton le jeune et rendirent les honneurs au monarque défunt. Ensuite, on a disséqué son corps, enlevé les entrailles qu'on a confiées aux moniales de Memleben et conduit le cadavre à Magdebourg en présence d'une importante suite parmi laquelle figuraient les archevêques de Cologne et de Magedebourg ainsi que Bruno de Querfurt. Son corps repose dans la cathédrale à côté du monument érigé à la mémoire de sa première femme. Sur sa tombe, gravé dans le marbre, on peut lire :

 

- Sous cette pierre reposent trois causes de notre tristesse : un roi, la parure de l'église et le plus grand honneur de notre patrie -.

 

On lui érigea encore d'autres monuments. La ville de Magdebourg, qui le considère comme son deuxième fondateur, fit ériger, comme le voulait l'usage dans la Rome antique, une statue équestre qui le représente entre ses deux femmes.

 

Le règne d'Adélaïde ne prit pas fin avec la mort de son époux. Otton qui a été plébiscité par les nobles et les autorités religieuses et plus tard reconnu par les grands à Aix-la-Chapelle, restait méfiant compte tenu de son jeune âge ; il avait à peine 20 ans. Il réclama donc le soutien de sa mère qui dirigea les affaires importantes du gouvernement. Otton qui avait suivi l'enseignement de son oncle Bruno avait des facultés exceptionnelles. Il avait des connaissances dans le domaine des sciences et de l'ambition. Mais son ardeur juvénile l'entraînait vers le gaspillage et la débauche ce qui nuisait à sa manière de gouverner. Malgré cette faiblesse il aurait pu être heureux s'il avait suivi les sages conseils de sa mère. Il l'a fait pendant un certain temps et a triomphé de ses ennemis. Henri de Bavière qui se faisait passer pour empereur contre son cousin, ce qu'avait fait son père contre son frère, dut se rendre par deux fois et la deuxième fois à Passau. Il fut incarcéré à Maastricht, dépouillé de son duché qui a été donné au fils de Ludolphe. Le roi du Danemark qui avait soutenu Henri fut contraint à demander la paix et le roi de Bohême Boleslav, dut s'humilier devant Otton et reconnaître sa souveraineté. A son actif aussi les améliorations apportées aux fondations religieuses, sur proposition de sa mère, et notamment du monastère de Memleben qui en raison de la mort de son père et de son grand-père était cher à son cœur. Il procéda à un échange, envoya les moniales à Quedlinbourg et transforma l'abbaye, avec l'accord du pape, en abbaye bénédictine à laquelle il accorda des libéralités et des donations importantes. Il fit reconstruire et agrandir les bâtiments et l'abbatiale si bien que certains le considèrent comme le premier fondateur de cette œuvre. Les bénéfices apportés par la régence d'Adélaïde allaient être dilapidés par la suite par des serviteurs de l'état mal intentionnés. Ils pensaient peut-être que c'était leur intérêt que de pousser Otton à l'indépendance par rapport à sa mère et à la débauche. Ils lui expliquaient qu'en gaspillant les propriétés impériales au profit des fondations religieuses il portait préjudice à l'administration de l’état. Ces arguments étaient d'autant plus entendus par Otton que Théophanie, qui avait une emprise importante sur lui et recherchait le pouvoir, s'opposait à sa belle-mère et apportait son crédit à ces accusations. L'opposition était telle qu'Adélaïde dut abandonner son sceptre et fut interdite à la cour. Affectée par les offenses d'un fils tant aimé, elle quitta la Germanie pour se rendre en Italie.

 

Pendant son séjour, un incident célèbre va faire d'elle la protectrice des persécutés. Alors que Waldrade, la femme du doge de Venise Pierre Candianus, lui demanda de l'aide contre le doge nouvellement élu, elle intervint pour rétablir la paix entre les partis. Elle se rendit après en Bourgogne où elle fut accueillie affectueusement par son frère et sa femme Mathilde. Vienne le siège du royaume et Lyon la patrie des philosophes accueillirent avec enthousiasme la sœur du roi et la fille du vénéré Rodolphe. Les chroniqueurs de l'époque témoignent qu'elle faisait régner autour d'elle la paix et le bonheur.

 

Dans l'empire, c'était le règne de la désorganisation et de la confusion. Le jeune empereur, qui considérait que tout lui était permis, se laissa aller à ses idées juvéniles. Ne s'appuyant pas sur la sagesse des princes, qu'il méprisait, l'empire était mal gouverné. La justice, la miséricorde et la vérité qui entouraient le trône de son père étaient chassées du royaume par l'injustice. Parmi les grands de l'empire régnait la division tandis les pauvres et l'église étaient opprimés.

 

Pendant qu'Adélaïde séjournait en Bourgogne elle eut le désagrément d'assister à une guerre entre son fils et son gendre le roi Charles, son frère, sous la condition qu'il reconnaisse d'être son vassal. Lothaire a mal pris ces exigences à tel point qu'il envahit le territoire de son frère, vengea l'injustice faite aux fils du comte Régnier de Hainaut et se fit rendre les hommages par les grands seigneurs à Metz. Il attaqua l'empereur à Aix-la-Chapelle alors qu'il était à table avec Théophanie, les obligea à s'enfuir et alors que toute la région fut dévastée, s'en retourna dans son pays avec le butin. Otton n'hésita pas à lui rendre la pareille. Après son départ il pénétra en France, pilla Reims, Laon, Soissons et avança jusqu'à Paris, incendia les faubourgs, mais perdit un de ses neveux qui en voulant projeter sa lance contre la porte d'entrée de la ville fut tué par les assiégés. Lothaire rassembla ses troupes et le chassa du royaume et en traversant l'Aisne l'armée d'Otton subit de lourdes pertes. L'année suivante (979), Otton envahit à nouveau la France et contraignit Lothaire à renoncer à la Lorraine (980).

 

Au milieu des troubles, Adélaïde a été informé de la naissance d'un petit-fils à qui son père, par prémonition compte tenu de son action future, donna le nom d'Otton. Cette naissance va mettre fin à la querelle qui l'opposait à son fils et à son exil. Cette réconciliation, qu'elle avait tant désirée, s'est produite pendant le séjour d'Otton en Italie (automne 980) pour asseoir son autorité sur Rome où Francon s'était fait élire pape sous le nom de Boniface VII à la place de Benoit VI qui, mourut étranglé sous ses ordres au château Sain-Ange.

 

Concernant la réconciliation, les chroniqueurs ne partagent pas la même version des faits. D'après certains Otton aurait regretté son attitude envers sa mère et aurait mandaté Conrad de Bourgogne et et Mayeul l'abbé de Cluny d'intercéder auprès d'elle et de la convaincre de se rendre à Pavie. Adélaïde s'y rendit et après une conversation amicale avec son fils se réconcilia avec lui en versant des larmes de joie. D'autres rapportent que cet événement ne s'est pas déroulé sans difficultés. Aucun courtisan n'osa intercéder en faveur d'Adélaïde. Seul Mayeul osa parler ouvertement à l'empereur : - vous qui êtes paré de la plus grande dignité ne pouvez pas mépriser les commandements – celui qui vous a amené si haut peut, si sa toute puissance le souhaite, vous ramener au niveau le plus bas – la vénération due aux parents est un commandement de Dieu  -.

 

Ces mots eurent une telle influence sur l'empereur qu'il en oublia sa colère et tomba aux pieds de sa mère pour lui demander pardon. Otton montrera par la suite que sa soumission était sincère en vouant à sa mère un profond respect jusqu'à la fin de sa vie. Cette soumission filiale eut pour conséquence qu'il améliora son mode de vie si bien que les chroniqueurs le qualifieront, dans l'âge adulte, de monarque sage et pieux.

 

Adélaïde se présenta à nouveau à la cour et se trouva aux fêtes de Pâques à Rome en 981 en compagnie d'Otton et de son épouse. En septembre de la même année elle séjourna avec son fils à Capoue et obtint de sa part d'importantes donations dont elle fit bénéficier le monastère Saint-Salvator de Pavie. Après cela Otton entra en guerre contre les Grecs et les Arabes et il la conduisit avec une telle fougue qu'on lui donna le nom de mort des sarrasins. Cette guerre entamée avec succès va avoir une issue fatale car elle va entraîner sa mort prématurée. Le chroniqueur de la vie d'Adélaïde relate qu'Adélaïde avait le pressentiment que cette guerre allait lui réserver un grand malheur.

 

Otton commença cette guerre par le siège de Salerne dont le comte était un vassal des Grecs. L'année suivante (982) il poursuivit la guerre avec succès. Il donna à son conseiller, Jean Philagatos, un grec calabrais, qui sera pape sous le nom de Jean XVI, l'abbaye de Nonantala, la plus grande d'Italie. Un homme qui était indigne des faveurs d'Otton et de son épouse car à l'origine de la haine que portait Théophanie envers Adélaïde. Il s'était incrusté auprès d'eux grâce à un comportement empreint de piété qui lui donnait la réputation de saint homme. L'empereur entra en Calabre et livra une bataille sanglante près de Crotone qui allait être décisive pour la suite de la guerre. Les chroniqueurs sont divisés quant au déroulement de la bataille. D'après les grecs beaucoup d'arabes succombèrent, parmi eux Al Qasim l'émir kalbite, et Otton remporta la victoire. Les germains disent le contraire et rendent compte de l’événement de la manière suivante : quand les empereurs grecs Basile et Constantin, le frère de Théophanie, découvrent les intentions d'Otton envers l'Italie du Sud ils essayèrent de le dissuader en lui envoyant des émissaires. Comme la requête restait lettre morte, il appelèrent à la rescousse les arabes de Sicile et d'Afrique et obtinrent l'envoi d'une importante flotte. Otton, de son côté, se renforça grâce à des mercenaires en provenance de diverses régions de Germanie et quelques princes napolitains qui lui étaient fidèles. Au début, ces initiatives étaient couronnées de succès. Il prit d'assaut Tarente, pénétra en Calabre et proposa en juillet une rencontre aux arabes. La victoire semblait sourire aux germains mais leur dispersion a fait que la bataille se termina par une éclatante défaite. Certains chroniqueurs disent que les fuyards se cachèrent la nuit suivante derrière les montagnes et lorsque Otton avec une troupe de mercenaires attaqua les arabes qui voulaient gagner le rivage ils sortirent de leur cachette pour le surprendre par derrière et l'abattre. Un grand nombre de seigneurs et de d'évêques germains qui combattirent avec courage périrent dans cette bataille. Comme le dit un chroniqueur de l'époque, la fine fleur de l'aristocratie de Germanie et les meilleurs amis de l'empereur succombèrent sous les coups des ennemis. Devant le danger d'être fait prisonnier, Otton se fraya un chemin avec son épée jusqu'à la mer. Il aperçut deux galères grecques et demanda à l'une d'elle de l'embarquer. Il se jeta à la mer pour la rejoindre mais il a été rejeté et il retourna sur le rivage. Apercevant le deuxième navire, il tenta de s'en approcher grâce à un cheval qu'un juif lui avait donné. Il avança dans les flots et lorsque le cheval était fatigué par les vagues il le quitta pour nager jusqu'au navire et les pêcheurs le prirent à bord. Le commandant devina à plusieurs signes qu'il était noble malgré l'état des vêtements qui étaient sensés dissimuler son origine. Il lui demanda de se dévoiler. L'empereur le fit et comme il apprit qu'il allait l'emmener à Constantinople il lui demanda de se diriger vers Rossano, un château en Calabre. Il donna aussi son accord pour envoyer à ses amis un marchand d'esclaves pour prendre livraison d'une importante rançon en réalité pour les avertir et leur demander de le délivrer des mains des Grecs sans verser de rançon. Dès l'arrivée du navire, Théophanie fit sortir de la forteresse de nombreuses bêtes de somme qui, suivant les recommandations du commandant, étaient chargées d'argent. Pendant ce temps, Thierry évêque de Metz s'approcha avec de nombreux petits véhicules chargés de soldats courageux habillés en marin qui devaient procéder au chargement de la rançon et à l'échange. Otton fut conduit à l'avant du navire mais quand il vit ses gens à proximité, il se fia à son habileté de nageur et se précipita dans la mer. Un des grecs voulut le retenir par les vêtements mais un soldat germain lui donna un coup brutal qui le jeta à terre. Les autres, saisi de frayeur, laissèrent l'empereur poursuivre sa nage et aborder le rivage. Les grecs, s'en retournèrent honteux et les germains se moquèrent de leur crédulité. Un autre auteur rapporte ces faits différemment. D'après lui, l’empereur a exprimé le désir de rencontrer sa femme, accompagnée de sa suite féminine, et que celle-ci apporterait la rançon. Les grecs étaient prêts à les accueillir lorsqu'ils s'aperçurent que sous des vêtements féminins se cachaient des hommes armés de poignards. Dans l'échauffourée, l'empereur eut l'occasion de se jeter à la mer et de poursuivre à la nage.

 

Heureux de cette merveilleuse libération, les seigneurs n'étaient pas moins attristés par la défaite, la perte de valeureux héros et du territoire réoccupé par les Grecs. Adélaïde s'est associé au chagrin éprouvé. Seule Théophanie, qui pourtant avait incité son mari à entreprendre cette guerre et devait par conséquent s'en rendre responsable, adopta une attitude différente. Un chroniqueur rapporte qu'elle plaisantait avec une désinvolture propre aux femmes et aux grecs. Elle se moquait des Germains qui se sont laissés vaincre par son peuple ce qui attisait la haine que lui portaient les seigneurs. Ce grand malheur rendit Otton plus colérique qu'auparavant. Il ne pensait qu'aux moyens d'assouvir sa vengeance et à se réarmer pour poursuivre la guerre. Peu après sa libération (983) il se rendit à Capoue puis à Vérone pour tenir un Reichstag rassemblant les nobles germains et italiens. A la nouvelle de la défaite, les germains et les italiens les plus distingués répondirent à l'appel et parmi eux Conrad de Bourgogne qui a été invité en tant que vassal de l'empire à prêter main forte dans la lutte contre les Grecs et les Arabes. A l'exemple de son père il fit élire son fils, absent et qui avait à peine trois ans, comme successeur à la couronne. Il l'envoya en Germanie avec l'évêque Jean de Ravenne pour le couronnement qui eut lieu à Noël à Aix-la-Chapelle dans le plus grand faste, par cet évêque et l'archevêque Willigis de Mayence.

 

De Vérone l'empereur se rendit à Ravenne puis à Pavie où il rencontra pour la dernière fois Adélaïde, à qui il avait confié le gouvernement de la ville et de la Lombardie. Puis il partit avec son armée nouvellement recrutée à la rencontre des arabes en Sicile pour effacer sa défaite. Il voulait faciliter le passage de son armée en construisant un pont à la manière de Xerxès. Son entreprise fut stoppée par une maladie brutale qui le terrassa à Rome en décembre 983. Il avait 29 ou 30 ans et était dans sa 9ème année de règne. Ayant eu conscience de l'approche de sa mort, que certains attribuent au paludisme et d'autres à un empoisonnement, il partagea sa fortune en quatre parts : l'église, les pauvres, sa mère et sa sœur Mathilde et les combattants qui ont risqué leur vie pour lui. Sa dépouille fut déposée dans la crypte de Saint-Pierre sous une pierre tombale en marbre. Cette mort inattendue mettait un terme à l'espoir qu'on plaçait dans son courage pour rétablir la gloire perdue et plongeait la Germanie et l'Italie dans la peur et le chagrin. Théophanie, privée de son soutien et de sa couronne, dut expier ses propos frivoles qui offensèrent son mari et son peuple. Pour Adélaïde la douleur de perdre un fils dans la fleur de l'âge et après cette période de réconciliation où il méritait tant sa tendresse, devait être grande. Elle rechercha le soulagement en immortalisant le souvenir de sa mort et en célébrant chaque anniversaire comme un jour de deuil.

Lorsque cette nouvelle fut connue en Germanie, alors que tout le monde était en pleines festivités de Noël, les divertissements laissèrent la place à un mouvement de profonde tristesse.

 

Lorsque Théophanie avait séché ses larmes suite au décès de son mari, elle s’efforça d'assurer les droits de son fils en Italie. Conformément au droit germain et grec, elle s'arrogea la co-régence et marqua les ordonnances de son sceau. Grâce à ses efforts Otton fut reconnu empereur à Rome. En Germanie, Henri de Bavière réduit à néant tout espoir de confirmation de son élection. Ce prince, à la nouvelle de la mort de l'empereur, s'était évadé de sa prison de Maastricht et essaya à nouveau d'attirer à lui l'empire. Pour atteindre cet objectif il mit la main sur le jeune roi qui, à Cologne, était sous la tutelle de l'archevêque Warin, que son père avait désigné comme protecteur. Il l'arracha de force sous prétexte que la tutelle lui appartenait en tant que plus proche parent. Il s'empara aussi de sa soeur Adélaïde qui était à cette époque à Halle. Là-dessus il se rendit à Quedlinbourg où il rencontra les princes du parti saxon qui n'étaient pas favorables à Théophanie. Devant les dangers encourus par l'état de la part des français et des italiens ils le proclamèrent roi de Germanie. Henri s’efforça aussi d'attirer à lui les partisans d'Otton. Mais ses efforts restèrent vains.

 

Gerbert un fidèle partisan d'Otton II et de son père, qui lui a permit de devenir abbé de Bobbio, attira les archevêques de Trèves et de Cologne dans le parti du jeune roi et souligna les malheurs de l'empire et sa détention honteuse. Il persuada les partisans d'Otton de le désigner comme ambassadeur auprès de sa mère et de sa grand-mère pour leur demander de revenir en Germanie et de s'occuper des affaires de l'empire et par leur présence de persuader les seigneurs de contraindre Henri à libérer le prisonnier et à abandonner ses projets illégaux. Gerbert fut reçu par les princesses à Pavie et Théophanie, ayant appris ces mauvaises nouvelles, se rendit auprès d'Adélaïde pour arrêter les mesures à prendre pour le bien de leur dynastie. Toute deux décidèrent d'accepter l'invitation et de quitter l'Italie pour se rendre en Germanie. A leur arrivée, en compagnie de l'abbesse Mathilde et de beaucoup de seigneurs italiens, elles furent accueillies solennellement par le peuple en arme et Conrad de Bourgogne ainsi Conrad de Souabe leur promirent leur soutien. Comme Henri considéra l'arrivée d'Adélaïde inopportune, il décida de s'emparer de sa personne pour contrecarrer les plans de son parti. Il pensait que Théophanie, qui était moins aimée, ne représentait pas un danger. Il se rendit avec une troupe à Halle où Adélaïde était sous la protection du comte Eckbert et s'en empara. L'entourage de Henri le persuada de laisser Adélaïde à Halle sous surveillance avec la promesse de ne pas intervenir dans les affaires de l'empire. Ce coup de force n'affaiblit pas le parti d'Otton qui s'empara de Guillaume de Thuringe, un des partisans de Henri, et demandèrent à ce dernier de rendre Otton et sa sœur à sa mère et à sa grand-mère et de renoncer à l'empire. Henri obéit aux injonctions. La libération du roi eut lieue à Rhorheim près de Worms. C'est Henri en personne qui le remit à sa mère et à sa grand-mère qui l'accueillirent affectueusement. Peu de temps après il se trouva à Francfort pour prêter allégeance en présence des impératrices au roi légitime. Son acte fut récompensé par la restitution du duché de Bavière.

 

L'ensemble de l'empire reconnut la régence de Théophanie et, d'après les apparences, celle-ci fut partagée avec Adélaïde. Elle confia la tutelle de son fils à l'archevêque Willigis de Mayence qui avait la confiance des Ottoniens. D'origine modeste, il était réputé pour sa science, sa piété et sa maîtrise des affaires de l'empire. Elle choisit Bernhard l'évêque de Hildesheim comme précepteur, un promoteur des arts et un des religieux les plus savants de son temps. Entouré par des hommes aussi expérimentés le jeune homme était préparé pour devenir un digne souverain. On pouvait deviner en lui, dès son plus jeune âge, l'esprit de son grand-père : la même douceur et la même envie de bien faire, le même courage et la même témérité. Il le dépassait par son zèle pour les sciences et les lettres. Les auteurs de son temps le louèrent comme un modèle de justice ou comme la merveille du monde.

 

Pendant qu'Adélaïde venait en aide à Théophanie dans l'exercice de la régence elle s'inquiétait de la guerre contre la France et de l'implication de sa fille Emma. Lothaire profita des troubles liés à l'accession au pouvoir d'Otton et de sa jeunesse pour s'emparer de la Lorraine qu'il avait déjà attaquée sans succès sous Otton II. Otton a essayé de régler le différend par la négociation, de persuader Lothaire du bien-fondé des accords conclus par son père et d'exiger la libération de Godefroid. Il a obtenu gain de cause et a signé un accord de paix en 985 dont la réalisation a été entravée par la mort prématurée de Lothaire. Cette mort a profondément affecté Emma dont la seule consolation était de pouvoir sécher ses larmes auprès de sa mère. Les lettres mélancoliques envoyées à sa mère font qu'on peut accorder peu de foi à certains chroniqueurs qui prétendaient qu'elle était elle même à l'origine de sa mort pour pouvoir poursuivre librement ses frivolités. Sa tristesse était d'autant plus grande qu'elle dut faire face à l'opposition de son beau-frère, voir de son fils, pendant l'exercice de la régence. Elle avait l'intention d'envoyer son fils, contre la volonté de son mari qui souhaitait en confier la tutelle à Hugues Capet, à la cour de sa mère jusqu'à sa majorité. Cette intention louable a été décrite au jeune roi par certaines personnes hostiles d'une manière si affreuse que celui-ci nourrit une grande rancœur envers sa mère. Lorsque son beau-frère Charles de Lorraine fit courir le bruit d'une liaison adultère avec l'évêque de Laon Adalbéron la situation empira avec son fils qui voulait chasser l'évêque de son siège épiscopal.

Face à tant d'adversité elle envoya une lettre à sa mère :

 

- Ma douleur ô ma mère est extrême. Depuis la mort de mon mari j'ai placé tous mes espoirs dans mon fils qui est maintenant devenu mon ennemi. Mes amis les plus fidèles m'ont quitté et ont jeté la honte sur moi, ma maison et diffamé l'évêque de Laon. Ils le persécutent, cherchent à lui voler sa dignité et trouver une raison de me couvrir d'une honte éternelle. Ma chère mère, viens en aide à ta fille qui doit supporter un tel malheur. Mes ennemis se réjouissent qu'il ne me reste plus de frères, plus de parents et plus d'amis pour me défendre. Je souhaite que ma mère m'entende et transmette à sa belle-fille Théophanie mes sentiments les plus affectueux. A travers vous, qu'elle me permette d'aimer son fils même si je dois le considérer comme mon ennemi -.

 

La douce Adélaïde ne laissa pas sa fille dans la détresse. Elle se tourna vers Béatrice, la sœur de Hughes et la veuve de Frédéric de Haute-Lotharingie et lui exposa tout ce qui pouvait régler le différend. Elle organisa une rencontre à Montfaucon près de Verdun avec le jeune roi Louis, le duc Henri de Bavière et Charles de Basse-Lotharingie à laquelle Théophanie n'était pas invitée peu-être à cause des sentiments hostiles qu'elle portait à Emma ou peut-être que sa présence n'était pas souhaitée par les lorrains. La réconciliation souhaitée eut bien lieue. Godefroid comte de Verdun fut libéré après avoir cédé quelques territoires de l'évêché de son fils à la France.

 

La même année (987) sa fille était à nouveau dans la détresse. Son fils Louis mourut à l'âge de 20 ans sans laisser de descendance. Son règne ne dura qu'un an et il y avait des soupçons d'empoisonnement de la part de sa femme Blanche. Hugues Capet, petit fils de Henri premier roi de Germanie, par sa sœur Hedwige,accéda au trône de France tant convoité. Avec l'aide des grands vassaux, il évinça Charles qui en tant que carolingien briguait la succession. Charles était trop ambitieux pour lui laisser le royaume. Il se tourna vers Otton pour demander son aide et comme celui-ci la refusa, il entama la guerre sans autre soutiens que ses lorrains, le comte de Flandre et quelques seigneurs du Brabant. Il se dirigea d'abord vers Laon où se trouvaient Emma et l'évêque Adalberon pour se venger de leur haine envers lui et de leur participation à son éviction du trône.

Il prit d'assaut la ville avec une telle violence que les citoyens durent se rendre et livrer la reine ainsi que l'évêque. Dès que cette captivité fut connue, les deux impératrices s'efforcèrent d'obtenir leur libération. Hugues et son armée assiégèrent Charles dans la ville qu'il venait de conquérir. Comme les impératrices ne trouvaient pas d'écho auprès de Charles, elles se tournèrent vers Hugues qui promit de lever le siège de la ville si Emma et l'évêque étaient libérés. Charles rejeta ces propositions. Hugues organisa alors une rencontre à Stenay entre Théophanie et sa femme Adélaïde qui se termina par un accord avec Otton qui pris son parti. Charles poursuivit la guerre avec succès. Il battit Hugues près de Laon et pris Reims grâce à la trahison de l'archevêque de Reims, son frère illégitime, Arnoul. Comme Hugues n'arrivait à aucun résultat avec les armes, il rallia Adalbéron, qui était son ennemi, à sa cause. Ce dernier lui ouvrit les portes de Laon et lui livra Charles, sa femme et le perfide Arnoul qui furent enfermés à Orléans. Charles ne survécut pas à son malheur et mourut deux ans après de chagrin. Sa dynastie s'est vraisemblablement éteinte avec les princes Otton, Charles et Louis. Les deux derniers furent confiés à leur frère aîné Otton. Comme la fin de la vie d'Emma est mal connue, il est probable qu'elle soit morte peu de temps après sa captivité.

 

La régence partagée d'Adélaïde et de Théophanie avec Otton sous leur tutelle, put consolider la paix intérieure. Elle mit un terme aux querelles incessantes qui divisaient les seigneurs et donna l'ordre que personne ne pouvait rendre justice soi-même sans en référer d'abord aux ducs et aux comtes de la province. La Germanie pouvait enfin jouir du bonheur qu'elle recherchait en vain sous les règnes précédents. Otton parcourut sans relâche les territoires de son empire (987 – 988) et corrigea les manquements pour répandre la paix et l'abondance dans le pays. Les ordres religieux apprécièrent particulièrement sa générosité. Beaucoup de monastères bénéficièrent de donations ou de la confirmation des libéralités accordées par les ancêtres. Otton a trouvé aussi beaucoup de soutien auprès de sa grand-mère qui contribua à cette charité. Les chroniqueurs évoquent beaucoup de monastères bénéficiaires comme Murbach qui fut dotée de revenus importants et Seltz près de Strasbourg où elle termina sa vie. Elle a entièrement reconstruit le monastère (985) et élevé la ville au rang de ville impériale. Avec le soutien de sa fille Mathilde elle a également doté de nombreux monastères en Saxe. Malheureusement, le malentendu entre elle et sa belle-fille ne cessa de grandir. Ces deux princesses qui gouvernaient le pays avaient des qualités et des inclinations tellement différentes que leur entente n'était pas possible. A cela il faut ajouter que Théophanie était trop influencée par certains grecs. Elle accordait foi aux diffamations qu'ils propageaient sur Adélaïde et accorda des privilèges aux grecs au détriment des germains. Ces dissensions allèrent si loin que Théophanie ne voulait plus qu'Adélaïde participe aux affaires. Adélaïde sembla vouloir éviter un tel conflit et se contenta du gouvernement de Pavie et de la Lombardie que son fils lui confia.

 

Pendant son séjour à Pavie elle fonda le monastère Saint-Sauveur et suivi l'exemple de Mayeul, l'abbé de Cluny, en qui elle avait confiance, et qui développait les réfections et les fondations de monastères surtout en Italie et principalement en Lombardie. On comptait à cette époque pas moins de 40 monastères de moines, 20 monastères de moniales et 60 chapitres à Rome.

 

En 989, Théophanie, à la tête d'une armée va pénétrer en Italie au nom de son jeune fils et à la demande du Pape Jean XV qui sollicitait son aide pour mâter Crescentius qui s'est arrogé le gouvernement de Rome. La pieuse Adélaïde, qui s'occupait davantage des affaires spirituelles que temporelles, n'avait pas les moyens de réprimer les rébellions contre l'empereur en Lombardie, où les évêques étaient devenus puissants, et à Rome. Théophanie, par sa maîtrise des affaires de l'état et sa sévérité su faire face à la situation. Par différentes mesures prises, elle consolida le pouvoir impérial. Elle envoya des délégués à Ravenne ; éleva l'évêque Jean, qui savait acquérir ses faveurs par ses flatteries, à la dignité d'archevêque de Plaisance avant de devenir pape sous le nom de Jean XVII. Cet évêque, soupçonné d'avoir attisé la haine de Théophanie contre Adélaïde, jeta à nouveau de l'huile sur le feu. Car l'inimitié que Théophanie portait à Adélaïde grandit à son retour d'Italie et elle jura qu'elle ne régnerait plus sur aucune parcelle de terre de son vivant. Mais le ciel ne pouvait pas rester indifférent face aux insultes envers une princesse aussi pieuse. Théophanie n'eut pas le temps de réaliser ses desseins, elle décéda un juin 991 à Nimègue où elle s'était rendue à partir de Francfort en compagnie de son amant le margrave de Toscane Hughes qui l'avait suivi à son retour d'Italie. Son fils fit amener le corps à Cologne où elle fut enterrée avec les faste qui sied à une fille et à une femme d'empereur par l'archevêque Bruno, le frère de l'empereur d'Otton 1er. Otton, qui n'avait que 11 ans (pour certains auteurs 15 ans) perdit en elle le principal soutien de son règne. Sa personnalité ne faisait pas l'unanimité, certains lui reprochaient son attachement aux grecs pendant que d'autres admiraient ses qualités pour gouverner. On louait en elle son comportement modeste et sa générosité envers les pauvres et envers l'église, sans tomber dans la prodigalité d'Adélaïde, son adresse pour se rendre populaire et sa sévérité. Elle avait aussi fait la promotion des sciences, de la langue et de la culture grecque. Elle ne méritait pas les mêmes louanges quant à son comportement envers son fils. Comme elle craignait qu'une éducation trop stricte ne lui vole son amour, elle lui permit tout qu'il voulait.

 

Adélaïde quitta l'Italie pour la Germanie pour consoler son fils et lui venir en aide dans les affaires. Les chroniqueurs rapportent que cela ne dura pas longtemps et que les jeunes gens de l'entourage d'Otton cherchaient à le soustraire de la tutelle de sa mère et que troublée par l’ingratitude de son fils elle quitta à nouveau la Germanie. Il semble que ces faits remontent à 992, année où elle participait encore au gouvernement comme le prouve l'audition accordée au doge de Venise pour la confirmation d'ancien traités. Pendant cette nouvelle période où Adélaïde participait au gouvernement son petit-fils faisait preuve de courage pendant la campagne contre les slaves (991). Ces peuplades qui envahirent le Brandebourg furent maîtrisées par lui et il leur proposa la paix sans poursuivre plus avant sa marche vers la victoire. Plus tard, ils reprirent les armes sur l'incitation d'un germain qui a rallié leur cause pour se venger du bourgmestre de Quedlinbourg. L'empereur chercha un accord mais ne parvint pas à mettre un terme à la guerre et les slaves poursuivirent leur progression jusqu'à Magdebourg. Otton les repoussa pour et les força à accepter un nouveau traité. Après le premier traité signé en 992, Adélaïde en compagnie de son fils et de l'abbesse Mathilde assistèrent à l'inauguration de l’église de Halberstadt construite par l'évêque Hildiward. Outre la famille impériale, de nombreux évêques étaient présents et parmi eux Willigis de Mayence, proche conseiller d'Otton. La mort de son frère Conrad en 993, à l'âge de 57 ans, plongea Adélaïde dans une profonde tristesse. Ses sujets ressentirent cette mort comme s'ils avaient perdu leur père ou leur frère. Il avait été élevé pendant sa minorité, dès l'âge de 14 ans, à la cour de son mari, confié par sa mère Berthe après son second mariage avec Hughes et y avait puisé les principes de gouvernement qu'il allait mettre en œuvre. Après avoir sillonné ses états pour se rendre compte la situation il plaça à tous les postes des hommes fidèles pour assurer le bonheur de ses sujets. Il évita toute guerre impériale pour se consacrer à celles qui permettaient de défendre son pays contre les invasions et c'est pour cette raison qu'on lui donna le nom de pacificateur. En l'an 994 Adélaïde donna une nouvelle preuve de sa générosité en permettant par ses dons à l'évêque Ludolphe de reconstruire la Marienkirche de Francfort. En 995, Adélaïde séjourna à nouveau en Italie et en 996 son fils Otton l'accompagna . C'était de ce pays qu'elle devait participer aux conflits endurés par Gerbert au sujet de l'évêché de Reims. Ce prélat, après avoir quitté l'abbaye de Bobbio et avoir séjourné un certain temps à la cour impériale après la mort d'Otton 1er, se rendit auprès d'Adalberon archevêque de Reims pour étudier les sciences et servir de précepteur à Robert le fils de Hugues Capet. A la mort d'Adalberon (988) c'est Arnoul, fils bâtard de Lothaire, qui fut élu comme successeur. On le démit ensuite de ses fonctions pour sa trahison contre Lothaire (992) pour le remplacer par Gerbert qui était alors chapelain. Le pape Jean XV, qui voulut écarter Gerbert, jugea cette élection illégitime. Gerbert ne voulut pas se soumettre et lors d'un synode qui eut lieu à Mousson, il se défendit si bien qu'il ne fut pas condamné mais contraint néanmoins à renoncer à sa dignité épiscopale et à se réfugier à la cour d'Otton. A travers les lettres d'Adélaïde on voit que celle-ci lui demandait de rester dans son diocèse et que Gerbert indiquait les raisons pour lesquelles il ne pouvait plus conserver cette dignité. Alors que le pape Grégoire V, son prédécesseur, poursuivait la même politique, il gagnait les faveurs d'Otton, qui lui était reconnaissant pour l'instruction reçu. Il lui confia l'évêché important de Ravenne qui allait lui ouvrir la voie vers la papauté.

 

Pendant ce temps, Adélaïde était à nouveau bouleversée par les révoltes qui gagnaient toutes les provinces italiennes. A Milan elles provoquèrent l'élection d'un nouvel évêque, à Capoue le mécontentement à l'égard du prince Rodolphe conduisit à son assassinat et à Rome Crescentius voulut rétablir l'ancien gouvernement renversé par Otton. Hugues, le margrave de Toscane, qui devait défendre l'autorité de l'empereur pendant son absence, était trop faible pour maîtriser la situation. Otton mesurait l'ampleur de la perte de Théophanie qui par sa seule présence arrivait à rétablir l'ordre. Alors qu'il était au Reichstag de Magdebourg, Otton reçut une délégation mandatée par le Pape Grégoire V et composée de seigneurs et d'évêques de Lombardie qui demandaient de l'aide car diverses villes refusaient leur soumission. Comme il sentait que les seigneurs germains le soutenaient il se rendit en Italie (996) avec une grande armée rassemblée à la hâte après avoir pleuré la mort de son cousin Henri de Bavière. Il rétablit l'ordre en Italie, s'empara de Milan et se fit couronner empereur par son cousin Bruno (un fils d'Otton duc de Carinthie et petit-fils d'Otton 1er) qu'il avait élevé à la papauté et qui prit le nom de Grégoire V. Par la même occasion il s'empara de Crescentius mais lui pardonna à la demande du Pape.

 

Tous les efforts déployés pour mâter la rébellion furent vains sitôt que Otton retourna en Germanie (997). L'ingrat Crescentius souleva à nouveau le peuple et contraignit le Pape à fuir. Il nomma à sa place Jean l'archevêque de Plaisance qui deux ans auparavant (995) était envoyé en délégation en compagnie de l'évêque de Wurtemberg à Constantinople pour trouver un princesse à marier car Otton souhaitait une fiancée issue de la maison de sa mère. L'issue de la mission fut toutefois infructueuse.

 

Otton retourna à nouveau en Italie après avoir battu les slaves, qui pillaient à nouveau la Saxe, et les avoir repoussés jusqu'à Havelberg et confia à sa tante Mathilde le gouvernement de la Saxe et de l'Empire pendant son absence. La mésentente avec sa mère n'était peut-être pas encore apaisée ou celle-ci, compte tenu de son âge, ne souhaitait plus participer aux affaires. Il s'approcha de Rome (998) qui lui ouvrit les portes et sous le commandement du Margrave de Misnie et de Thuringe Eckkehard il prit d'assaut le château Saint-Ange où Crescentius s'était réfugié. Ce dernier fut précipité du haut des murs, traîné à travers la ville par des bœufs, décapité et suspendu avec douze de ses partisans. On infligea à 'antipape Jean un châtiment exemplaire sans tenir compte de l'intervention de Saint Nil, qui avait alors près de 90 ans, et qui était venu à Rome pour plaider sa cause. On lui coupa la langue et les oreilles, on lui creva les yeux et après l'avoir traîné sur un âne à travers la ville, on l'expédia en Germanie où il mourut peu de temps après. Un châtiment pour lui faire payer les efforts déployés pour livrer l'empire au grecs et pour avoir sali l'innocente Adélaïde auprès de Théophanie.

 

Après avoir vaincu le soulèvement et puni les rebelles, Otton consacra son temps à diverses activités pieuses. Il rencontra Romuald, fondateur de l'ordre camaldule, qu'il fit nommer abbé du monastère de Classis et Saint Nil dans son couvent.

 

Alors que Adélaïde était réconfortée par la réussite de la campagne d'Italie et par la dévotion de son fils, elle apprenait avec tristesse, à Augsbourg où elle se trouvait entre 996 et 999, la mort de sa fille Mathilde à Quedlinbourg en présence de l'évêque Berward de Hildesheim. Pour Otton cette nouvelle était d'autant plus douloureuse qu'elle arrivait après celle de l'empoisonnement, par des romains infidèles, de son cousin, le pape Grégoire V. Pour la Saxe et l'Empire la mort de Mathilde, qui gouvernait le pays avec une grande sagesse, était une grande perte. Avec l'aide de Bernard de Saxe elle avait ramené la paix, soutenu la religion et gouverné dans un esprit de justice. Elle a présidé le Reichstag de Magdebourg et celui de Dornbourg et pris des mesures destinées à assurer le bien-être de l'empire. Avec le même zèle elle avait accompli les tâches liées à sa fonction d'abbesse de Quedlinbourg qu'elle occupait depuis 966. Par son comportement elle avait récompensé sa grand-mère qui l'avait préparée à cette fonction et qui a jeté les bases de son éducation. Elle fonda de nouveaux monastères et participait aux fondations de sa mère en Saxe. Son amour des sciences et son goût pour le savoir on fait que le moine de Corvey Widukind lui a dédié ses chroniques. Sa nièce Adélaïde, la sœur d'Otton III, a pris la suite de ses fonctions d'abbesse à Quedlinbourg.

Adélaïde ne vivra que dix mois de plus que sa fille. Un an avant sa mort elle rendit encore visite à son neveu Rodolphe III qui succéda à son frère au trône de Bourgogne. Rodolphe dut lutter pour défendre ses droits au trône contre les baillis des provinces qui cherchèrent à profiter de sa minorité et de l'absence de son père qui était souvent à la cour d'Otton. Adélaïde estimait que c'était son devoir de prêter assistance aux membres de sa famille et d'user de sa qualité de fille de Rodolphe II pour consolider le trône de son neveu. Après une longue négociation elle arriva à calmer la rébellion et à ce que les insurgés acceptent leur soumission. Mais avant d'entreprendre ce voyage elle visita les monastères qu'elle avait créés. Elle se rendit d'abord à Payerne où elle fonda un monastère dédié à sa mère Berthe et qui y est enterrée. Elle eut ensuite un entretien avec le successeur de Saint Mayeul, évêque de Cluny qu'elle a soutenu sur les conseils de son frère Conrad. De là elle se rendit à Saint Maurice en Valais, abbaye fondée par Sigismond de Bourgogne, pour y honorer Saint Maurice qui est mort en martyr avec sa troupe pour s'être converti à la religion chrétienne. L'exécution était l’œuvre de Maximien Hercule et le corps de Saint Maurice fut enterré dans un rocher. Pendant qu'elle s'adonnait à ses dévotions un messager lui apporta la nouvelle de la mort prématurée de l'évêque Francon de Worms. Peu avant sa mort, avec Otton ils s'étaient livrés à un exercice de pénitence étrange en s'enfermant dans la crypte de l'église Saint-Clément de Rome pour se consacrer à la prière pieds nus et vêtus d'une cilice. Adélaïde fut émue par la mort inattendue de ce prélat qu'elle tenait en haute estime pour sa piété. Elle eut le pressentiment que cette mort allait être suivie par d'autres morts de gens valeureux et même d'empereurs. Elle pria Dieu de ne pas la laisser seule et qu'une telle peine lui soit épargnée. Là-dessus elle se rendit à Genève pour voir l'église Saint-Victor puis à Lausanne pour vénérer la Vierge Marie. Elle y fut accueillie par le roi Rodolphe et l'évêque, son neveu, avec joie et déférence.

En leur compagnie elle se rendit à Orbe et y resta quelque temps pour régler l'affaire importante qui était la raison essentielle de son voyage dans sa patrie. Elle fit en même temps beaucoup de dons aux pauvres et aux lieux saints. Les bénédictins et Mayeul, qui avaient ses faveurs, profitèrent grandement de cette générosité. Elle avait consacré un somme importante à la reconstruction de l'abbaye de Cluny, détruite par un incendie et fit don de la précieuse armure de son fils Otton en émettant le vœu auprès de Mayeul d'intercéder pour le salut de son âme. Elle prit congé de lui en ayant le pressentiment que ce serait sa dernière visite et se recommanda à ses prières. Elle se rendit ensuite en Alsace,une province qui avait toujours eu sa préférence. Elle choisit Seltz, une petite ville située au Nord de Strasbourg sur la rive gauche du Rhin, comme lieu de sa sépulture. Il y a douze ans elle y avait fondé un monastère de moines bénédictins et avait légué d'importants territoires qui portent encore aujourd'hui le nom de propriété Sainte-Adélaïde. C'est l'évêque de Strasbourg Wildemaldus qui avait procédé à l'inauguration en 984. Elle avait fait élever cette bourgade au rang de ville impériale avec l'accord de son petit-fils Otton III.

 

Elle se prépara à la mort en digne chrétienne et se retira de toute activité temporelle pour consacrer ses pensées au Dieu. Elle lisait et priait et quand quelqu'un lui parlait des affaires du monde elle ne répondait pas. Elle n'exprimait qu'une pensée : - quand la mort me délivrera-t-elle de mon corps - ? Et puis, comme si elle percevait une réponse de Dieu elle ajoutait – loué soit Dieu à travers son fils Jesus-Christ -.

 

Le 7 décembre, jour de la commémoration de la mort de son fils, elle faisait des dons aux pauvres, se jeta à leurs pieds comme si, à la manière des convives d'Abraham, le Christ se trouvait parmi eux. Elle distribuait même des vêtements et des cadeaux aux plus démunis. Elle commanda une messe pour le repos de l'âme de son fils. La nuit suivante elle a été terrassée par une fièvre et ses forces diminuèrent pendant quelques jours. Ses yeux recherchaient le Christ et elle ne souhaitait plus rien d'autre. A mesure qu'elle reprit des forces elle montra le désir d'être fortifiée par l'extrême onction et par la communion. Là-dessus elle demanda à l'abbé et aux religieux présents d'entonner des psaumes et les accompagna avec une grande dévotion. Elle attendait la fin avec impatience et comme celle-ci se faisait attendre elle implora le ciel de la laisser quitter cette terre.

 

Ses vœux furent exaucés et elle décéda le 26 Décembre à l'âge de 67 ou 68 ans devant une assistance éplorée. Elle fut enterrée dans le monastère qu'elle avait fondée. Son mémorial, situé à côté de l'église, ne résista pas au temps car il fut submergé par les flots du Rhin. Otton, déjà touché par la mort de Mathilde et de Grégoire V fut profondément affecté. Il venait de perdre presque au même moment trois soutiens et piliers de l'empire. Il se sentait seul et abandonné au milieu de ses vassaux et de ses hommes en armes. La Germanie, l'Italie et la Bourgogne étaient profondément touchés par ce décès et témoignèrent leur gratitude envers leur bienfaitrice par l'édification de nombreux monuments. Une statue a été érigée à côté de son mari, on rédigea d'elle des biographies dont celle qu'Odilon a laissé à la postérité en gage de remerciement pour ses bienfaits. L’église Chrétienne lui fit l'honneur de la placer parmi ses saints, comme sa belle-mère Mathilde, et sa tombe fut l'objet d'un pèlerinage. Personne n'était plus digne qu'elle de cette vénération et de ces monuments mais elle pouvait bien s'en passer car son prestige durable découlait de ses actions : sa participation au gouvernement de l’empire sous trois ottoniens, la fondation de plusieurs monastères, l'aide apporté aux nécessiteux et le fait d'avoir donné naissance à une lignée de princes et de princesses qui allaient immortaliser le nom et les vertus. Encore aujourd'hui elle est considérée comme un modèle de monarque et son ombre plane sur toute la période ottonienne de l'empire. Trois ans plus tard, la lignée directe va s'éteindre avec la mort d'Otton III le 24 janvier 1002 et c'est une lignée collatérale en la personne de Henri le saint qui va accéder au trône impérial mais sans laisser d'héritier.

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