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Extraits de Histoire des Habsbourg au cours des trois premiers siècles

Traduction d'extraits de « Geschichte der Habsburger in den ersten drei Jahrhunderten »

du Dr Aloyse Schulte

archiviste du Grand-duché de Bade

Innsbruck 1887

 

Le couvent d'Ottmarsheim en Alsace jusqu'aux environs de 1120

 

Il est assez rare d'avoir la chance d'Oswald Redlich qui a découvert, aux archives de la ville d'Innsbruck, une copie d'un acte du roi Henri IV datant du 1er mars 1064 et confirmant les possessions du couvent d'Ottmarsheim. Le village isolé d'Ottmarsheim avec son couvent n'ont jamais joué un grand rôle historique. Quelques archives et une merveilleuse abbatiale rappellent toutefois les splendeurs du passé. Ce monastère est la deuxième plus ancienne fondation de la maison des Habsbourg et le document nous renseigne sur les donations faites par son fondateur. Il fait partie, avec les actes de la fondation du monastère de Muri, des plus vieux documents de la maison des Habsourg. Et, comme les actes de Muri sont plus jeunes de deux siècles que les faits qu'ils rapportent, ce document est incontestablement la source la plus importante pour l'ancienne histoire des Habsbourg. Il nous éclaire sur l'origine de cette maison, sujet qui fut largement débattu.

 

Les recherches entreprises durant ce siècle et le siècle précédent pour étudier la lignée avant le dernier aïeul attesté, Gontran le Riche, semblent séduisantes mais reposent sur du sable sans une enquête minutieuse des archives de l'Alsace et de l'Argovie et une étude approfondie des liens et des rapports de pouvoir qui existaient au sein des grandes familles alsaciennes. Je me limiterai à représenter la zone d'influence prouvée des plus anciens Habsbourg en Alsace et dans le Brisgau et à évoquer le développement ultérieur de leur puissance jusqu'au règne d'Albert 1er qui a demandé à son secrétaire Burkhard de Fricke de cadastrer l'ensemble des possessions dans la région rhénane et de la partie supérieure du Danube.

 

Plus de trente ans se sont écoulés depuis que François Pfeiffer a réalisé le registre foncier qui repose à la bibliothèque de la cour princière des Fürstenberg. Mais nos recherches, d'habitude plus rapides, ont jusqu'à présent ignoré la partie relative à l'Alsace. La recherche en Alsace s'est malheureusement limitée aux constatations de Schöpflin et de Grandidier comme s'il était impossible d'aller au-delà. C'est justement cette partie territoriale qui nous offre des données administratives historiques difficiles à trouver ailleurs sur le sol allemand pour des temps aussi anciens. Nous pouvons apprécier clairement la situation en 1303 telle qu'elle découle de l'organisation du temps du roi Rodolphe 1er. Les nombreuses querelles et batailles dans lesquelles était engagé le premier Habsbourg candidat à la royauté ont influencé notre perception de sa personnalité. Il nous apparaît comme un guerrier courageux et habile. Mais son esprit rugueux, pratique et sobre transparaît aussi dans ses entreprises pacifiques. On oublie volontiers qu'il possédait aussi des talents d'administrateur qui lui permettaient d'organiser l'assimilation des territoires nouvellement conquis aux ancienne possessions de la maison...

 

Le fondateur d'Ottmarsheim était Rodolphe, le fils du comte Lancelin d'Altenbourg et le frère de Radbot qui avec son épouse Ita de Lorraine et l'évêque Werner de Strasbourg ont fondé l'autre monastère des Habsbourg, Muri en Argovie. Les Actes de Muri nous renseignent que Rodolphe et Radbot sont entrés en conflit à cause du partage de l'héritage situé en Suisse. Rodolphe aurait pillé le territoire autour de Muri sans obtenir gain de cause. Mais cette évocation de Rodolphe semble pourtant être erronée. Les sources documentaires sur l'histoire d'Ottmarsheim sont bien maigres. Quand en 1272 les citoyens de Neuenbourg sur le Rhin ont incendié le monastère, les archives ont également été détruites. Il n'y a que trois documents qui font référence à Ottmarsheim : un acte de Henri IV du 21 mai 1063, celui du pape Eugène III du 21 mai 1153 que Schöpflin a tiré des archives de la ville de Bâle, tous deux évoquent un acte du pape Léon IX malheureusement non conservé, et le document récemment retrouvé d'Henri IV datant du 1er mars 1064. Déjà dans les actes les plus anciens le fondateur est décrit comme mort et c'est sa veuve, Cunégonde, qui est évoquée.

 

Pour situer l'année de la fondation nous pouvons nous baser sur l'évocation de son inauguration par le pape Léon IX. Lors de son voyage dans sa patrie alsacienne il a consacré des églises et des autels en divers endroits. Il accorda la protection du Saint-Siège aux fondations monastiques de ses ancêtres et aussi à Ottmarsheim. Comme le don annuel de la rose d'or fait par le monastère de Woffenheim fondé par ses parents, Ottmarsheim devait livrer annuellement à Rome une aube et un ornement pectoral. Et comme un troisième monastère alsacien, Andlau fondée par l'impératrice Richarde, devait fournir le linge à l'usage du Pape, on a comme l'impression que Léon IX voulait sceller par ces offrandes leur union avec Rome. Faut-il s'étonner que le personnage de ce Pape était entouré d'un halo de légendes et que les recherches historiques rigoureuses ne pouvaient pas gommer cette atmosphère empreinte de tendresse ? Placé directement sous la protection du Pape, le monastère accéda à la liberté d'un évêché et pouvait choisir ses abbesses. La contrepartie était si minime qu'elle pouvait être considérée comme symbolique.

 

Malgré cette proximité avec Rome, le fondateur a également mis en place un bailliage. Parmi les clauses telles qu'elles sont rapportées et qui étaient vraisemblablement déjà mentionnées dans la bulle de Léon IX, il faut relever deux clauses :

 

  • en cas de décès du bailli, l'abbesse pouvait choisir le successeur parmi ses héritiers et celui-ci ne recevait que le douzième des possessions acquises après la fondation

  • la deuxième clause concerne l'ordre de succession : après le décès du fondateur devaient suivre, la veuve puis l'un des fils et descendants mâles selon le choix de l'abbesse et enfin l'une des filles et leurs héritiers.

 

Cette reconnaissance de la succession par les femmes, mentionnée dans les actes de Muri, témoigne de l'intention de rejeter les droits des frères du fondateur. Comme le bailliage alla plus tard aux Habsbourg, on peut en déduire que Rodolphe n'avait pas de successeurs ou que le couple donateur n'a pas survécu longtemps. Les clauses ci-dessus étaient donc établies à une époque où il y avait encore un espoir de succession. On peut donc dire en prenant en compte les dates qui concernent le frère Radbot que la fondation ne pouvait que difficilement être postérieure à 1045.

 

 

 

 

Plan de l'ancienne abbatiale d'Ottmarsheim

 

 

 

 

Coupe de l'abbatiale

 

Le pouvoir et le prestige de Rodolphe s'exprime à travers l'architecture de l'abbatiale et les possessions dont il a pu doter le monastère. Jetons d'abord un regard sur l'abbatiale qui compte parmi les édifices les plus intéressants de l'Alsace par ailleurs si riche en chefs-d’œuvre. Le centre a une forme octogonale et est soutenu par un dôme autour duquel il y a un couloir également octogonal sur deux étages. Les parties basses du couloir s'ouvrent vers le centre en huit arches reposant sur de grands piliers. L'étage du milieu est couvert. Deux colonnes supportent chaque fois un entablement sur lequel reposent deux colonnes plus petites dont les chapiteaux jouxtent la voûte qui sépare la galerie de la zone centrale. Sur le côté ouest se trouve l'entrée carrée avec deux escaliers qui mènent à l'étage supérieur. Par la suite cette entrée a été agrandie pour former une tour. Côté est on retrouve cette avancée, fermée cette fois, et comportant deux étages correspondant aux couloirs. C'était certainement jadis le chœur de l'édifice. Burkhardt et Schnaase reconnurent de suite une imitation de la Chapelle Palatine d'Aix-la-Chapelle comme on peut en trouver d'autres, datant de l'époque carolingienne, dans le Palatinat.

 

 

 

Bien sûr il y a aussi des différences avec la Chapelle Palatine comme les couloirs extérieurs qui ne comportent pas 16 côtés. Les ornements sont assez pauvres ce qui rend la détermination de l'âge de l'église assez difficile. L'attention de Burckhardt a été attirée par les chapiteaux en forme de cube qui, selon lui, datent de la fin du Xème ou du début du XIème siècle. Kraus aussi pense que la construction date du début du deuxième millénaire.Mais y-a-t-il construction plus inappropriée au culte que la partie centrale de la chapelle d'Aix-la-Chapelle avec ses couloirs sur deux étages ? Si l'on compare la construction avec d'autres bâtiments destinés au rassemblement de moniales il est clair que l'église d'Ottmarsheim ne permet pas d'isoler les religieuses du reste des croyants. C'est d'autant plus vrai si l'église doit aussi servir au culte pour la paroisse. Il faut ajouter que jadis l'église n'avait qu'une seule entrée qui servait à la fois aux paroissiens qui prenaient place en bas et aux moniales qui s'installaient dans le couloir supérieur. Est-ce qu'un architecte qui veut bâtir une abbatiale créerait une entrée unique pour les laïques et les religieuses au détriment de l'isolement de ces dernières ? Les ajouts ultérieurs prouvent que l'on s'est rendu compte de l'inconvénient de cette situation. Le chapelle des chanoinesses, qui a été ajoutée au reste de l'église au XVIème siècle, n'était accessible que par une porte étroite et avait une entrée côté nord pour permettre aux religieuses de s'isoler...(cette porte est aujourd'hui murée).

 

Les possessions de Rodolphe qui ont permis de doter sa fondation se composaient d'un territoire principal situé de part et d'autre du Rhin en Haute et en Moyenne-Alsace et dans le Brisgau, d'un autre, plus petit, formé par le Jura Souabe et enfin des possessions fragmentées du Frickgau et du Klettgau. Les possession alsaciennes, du Brisgau et de l'Argovie constituaient le berceau des Habsbourg. Examinons maintenant les différentes territoires.

 

Les possessions du monastère d'Ottmarsheim dans le Brisgau se composaient de deux parties : celle située sur le versant ouest du Kaiserstuhl avec sa ceinture de vignes dirigée vers le Rhin et Vieux-Brisach et celle issue de différentes localités, au pied de la Forêt Noire, situées de part et d'autre de l'axe Offenbourg Bâle jusqu'à la partie méridionale du riche territoire du Margräferland.

 

Les possessions de l'autre fondation des Habsbourg, Muri, ne provenaient pas toutes directement des Habsbourg.

 

Les fondateurs du monastère d'Ottmarsheim ont fait don de possessions situées dans les bans de Niederrothweil et de Achkarren dans le Kaiserstuhl. Le monastère de Muri avait aussi bénéficié de donations de la part des fondateurs dans ces deux localités. D'après les actes de Muri, le comte Adalbert II (ou 1er) y a mis en gage au profit du couvent un vignoble de qualité et très apprécié.

 

Muri possédait à Achkarren deux domaines donnés par Judenta, l'épouse d'Adalbert II de Habsbourg. Adalbert lui-même semble avoir donné à Muri 18 manses de terres situées à Königsschaffhausen, au nord du Kaiserstuhl. Dans ces endroits, d'autres monastères avaient des possessions dont la donation par les Habsbourg ne peut être prouvée. Dans le Markgräferland, Ottmarsheim avait des biens à Heitersheim, Rheinsteinstadt qui fait face à Ottmarsheim, dans communes voisines de Hertigheim, Bellingen au sud de Schliengen et dans les trois villages du Karderthal de Rummingen, Oetlingen et Binzen. Dans cette région, Muri a bénéficié d'une donation dans le village de Bellingen, biens que les Habsbourg avaient acquis d'une femme riche du nom Berklint. Des autres possessions à Wettelbrunn, Seefelden, Mülheim, Schliengen et Holzen nous ne sommes pas en mesure d'identifier les donateurs ...

 

Du temps du roi Rodolphe de Habsbourg, une autre possession de la rive droite du Rhin attire notre attention. C'est le château de Limbourg près de Sasbach dans le Kaiserstuhl. Des territoires moins importants situés au nord, au pied du Kaiserstuhl, sont allés à la lignée des comtes de Habsbourg-Laufenbourg. D'autres possessions étaient à l'origine des fiefs de l'abbaye de Murbach détenus par les Habsbourg. Le Limbourg est souvent désigné comme une vieille possession de la maison. Est-ce exact ou s'agit-il d'un héritage des Zähringer ?

 

Comme Vieux-Brisach qui est perché sur un rocher détaché du Kaiserstuhl il y a, au Nord Ouest du Kaiserstuhl, une crête sensiblement plus étendue et proéminente par à rapport à la montagne volcanique. Cette crête qui domine le Rhin était propice à l'édification d'une place forte. Des vestiges importants témoignent encore aujourd'hui de sa position stratégique. A mi-hauteur, nous trouvons le château principal séparé de la montagne par un profond fossé. Au-dessous du château principal des pré-fortifications descendent sur au moins trois étages jusqu'au Rhin. Les pentes de la montagne à l'est séparent le château de Vieux-Brisach et n'offrent qu'une vue sur la plaine d'Alsace.

La configuration des lieux prouve que le but recherché était le contrôle du Rhin et de son commerce. Sur la rive escarpée de la Forêt Noire entre Bâle et Strasbourg il n'y a que trois endroits qui offrent une telle vue sur le Rhin. Ailleurs, il sinue entre les berges sablonneuses à la recherche de son lit. Ces endroits sont Vieux-Brisach et l'Uesenberg le château de la maison qui porte son nom, le château plutôt insignifiant de Sponeck qui alla plus tard aux Habsbourg et le Limbourg. Les récits populaires font du Limbourg le lieu de naissance du roi Rodolphe. Mais cette information semble hasardeuse et n'a pas pu être vérifiée. Il n'est pas aisé de relier les informations documentaires sur le Limbourg.

 

Rodolphe 1er, comte de Habsbourg-Laufenbourg, à l'occasion du mariage de son fils Gottfried avec une fille d'Egino de Fribourg, promis à sa belle fille la moitié du Limbourg et 60 marks. Il précise qu'il s'agit d'un alleu. Comme d'autre part, en 1240, le roi Rodolphe établit un acte dans ce lieu, il faut en déduire que le château est resté propriété indivise entre les deux lignées, la plus jeune et la plus ancienne. Après tout, d'autres parties des possessions les plus anciennes de la maison comme landgraviat de Haute-Alsace, les droits sur l'abbaye d'Ottmarsheim ou la forêt de la Hardt sont restées indivises. Un bailli de Limbourg qui apparaît fréquemment dans les documents était probablement un ministériel des Habsbourg. Un acte de 1300 montre que les Habsbourg n'étaient plus en possession du Limbourg. A cette époque les chevaliers de Bergheim laissèrent le château en fief à Egen de Fribourg. Leur père, Cune de Bercken, l'avait acheté au comte Rodolphe de Habsbourg. Ce comte est soit le fondateur de la lignée Habsbourg-Laufenbourg sus-mentionnée, soit le futur roi Rodolphe, soit Rodolphe III de Habsbourg-Laufenbourg (1270-1314). Auquel des trois comtes ce document fait-il référence ? Il ne peut s'agir du premier car il est décédé en 1248, ni du deuxième car l'acte mentionne un comte et depuis 1273 Rodolphe est roi, il s'agirait donc de Rodolphe III de Habsbourg-Laufenbourg.

 

Un acte de 1281 mentionne que le château a été donné par le comte Egen de Fribourg au comte au comte Eberhart de Habsbourg-Laufenbourg avec l'intention de le remettre entre les mains de quelqu'un d'impartial face aux querelles pressenties. Les Habsbourg-Laufenbourg seraient donc à nouveau entrés en possession du Limbourg en 1281 avant le rachat par les seigneurs de Bergheim à Rodolphe III.

 

L'histoire plus ancienne du Limbourg présente aussi des difficultés car les Zähringer de la lignée de Bade qui avaient des possessions dans le Brisgau se nommaient comtes de Linthbourg. On a souvent évoqué à ce sujet le Limbourg du Kaiserstuhl. Sur ce point je suis en accord avec Caspart car sous le Linthbourg des Zährineger il faut entendre le Limbourg de Weilheim près de Kirchheim...

 

Une petite partie des possessions d'Ottmarsheim se trouvait dans l'Ortenau mais il est difficile de déterminer quel Oberweiler était désigné sous le terme de « Obernwilire ». L'essentiel des biens donnés au monastère se situe autour de la forêt de la Hardt qui couvre encore aujourd'hui la plus grande partie du territoire situé entre l'Ill et le Rhin, de Bâle à Rustenhardt, au sud de Neuf-Brisach.

Comme l'autre grande forêt située en Basse-Alsace, la forêt de Haguenau, qui formait d'abord le cœur du pouvoir des comtes de Lützelbourg puis de leurs héritiers les Staufen, nous allons voir que cette forêt est vraiment le centre des alleus alsaciens des Habsbourg. Ces grandes forêts de plaine, plus facilement accessibles pour la chasse que les forêts de montagne, vont devenir le berceau de maison. La chasse dans la forêt de Ravensbourg a lié les Welfs à ce château et les empereurs allemands séjournaient volontiers dans le Palatinat propice à la chasse, à Aix-la-Chapelle, dans les châteaux du Harz, à Trebur et Francfort et plus tard à Haguenau.

 

L'ensemble de la grande forêt de la Hardt était à l'origine un domaine royal jusqu'à ce que le roi Henri II en fit don à l'évêché de Bâle le 1er juillet 1004 avec le consentement des usagers du voisinage. Cette donation a été renouvelée par l'empereur Conrad et par le roi Henri III. Mais ce sont les Habsbourg qui en bénéficièrent. Dans le contrat d'héritage entre le comte Albert de Habsbourg et le comte Rodolphe de Habsbourg-Laufenbourg aux alentours de 1239 la question de savoir si c'était un alleu ou un fief n'était pas tranchée. En tout cas, à partir de cette date, la Hardt était considérée comme un alleu. Deux des possessions d'Ottmarsheim étaient Buttenheim et Blodelsheim situées au sud et au nord d'Ottmarsheim le long de la voie romaine qui longe le cours du Rhin. C'est à Buttenheim, dans sa propre demeure, que fut assassiné le comte Otto II par Hesso de Uesenberg en 1111. Le long de la route qui mène de Bâle à Strasbourg en passant par Colmar les villages dépendant d'Ottmarsheim sont Habsheim (ou Habuchenesheim), dont le nom fait penser à Habsbourg, Rixheim et Baldersheim. La partie centrale de la forêt de la Hardt était donc entourée de terres des Habsbourg et d'Ottmarsheim. Le séjour de Otto II à Buttenheim et la mort d'Adalbert fils de Radbot à Huningue prouvent que tous les biens ne faisaient pas partie de la donation faite à Ottmarsheim. Adalbert a d'ailleurs donné un tiers de ses possessions à Muri.

 

Il faut donc admettre que la donation faite par Rodolphe ne concernait qu'une partie des terres des Habsbourg dans cette région. La comparaison avec le cadastre des biens des Habsbourg datant de 1303 permet de distinguer les anciennes possessions des nouvelles acquisitions. Ottmarsheim bénéficiait aussi de possessions situées à Ammerschwihr et à Bennwihr en Haute-Alsace.

 

En Basse-Alsace le fondateur d'Ottmarsheim a fait don de propriétés dans 5 localités : à Artzenheim, Jebsheim, au village aujourd'hui disparu de Breitenheim près de Heidolsheim, à Scherwiller et à Nordhouse, au nord d'Erstein. Les trois premiers endroits jouxtent, d'après le cadastre, les possessions des Habsbourg. Mais plus tard nous n'y trouvons plus traces de droits quelconques des Habsbourg ou du monastère d'Ottmarsheim. Seul Scherwiller qui se trouve dans une région viticole au pied des Vosges devient, plus tard, une possession des Habsbourg et à Nordhouse, le roi Rodolphe fit en 1258 une donation à l'évêché de Strasbourg déjà richement doté.

 

Une autre question, très controversée, peut maintenant être tranchée. Les recherches menées par Auguste Schricker ont permis de situer la frontière entre la Haute et la Basse-Alsace, entre Maxima Sequanorum et Germania prima, qui coïncide avec les domaines religieux des archevêchés de Mayence et de Besançon. Si les frontières diocésaines coïncident à l'ouest de l'Ill, à l'Est, vers le Rhin, Schricker donne un tracé différent et compte Artzenheim et Jebsheim en Haute-Alsace.

 

Il est probable que les possessions du monastère d'Ottmarsheim dans le Scherragau (Jura souabe) ne fassent pas partie des anciens territoires des Habsbourg. Dotternhausen, Ebingen, Burgfelden, Thailfingen et Onstmettingen forment un territoire bien délimité enserré entre les possessions des Zollern et des Hohenberg que ceux-ci ont obtenu de la famille des Unruchinger (Achalm, Urach, Fribourg, Furstenberg). Ce domaine a sans doute été acquis par les Habsbourg par voie d'alliance et transmis au monastère. Ces biens sont restés la propriété du monastère jusqu'au milieu du 15ème siècle jusqu'à ce que l'abbesse Adélaïde de Flachslanden ait vendu ces possessions de Burgfelden avec ses cours dimiêres à Burgfelden, Durrwangen et Dottenhausen à Wolf de Bubenhofen. Les comtes de Zollern-Schalksburg détenaient les serfs de Dürrwangen et la dîme de Pfeffingen en fief avant de les céder en 1403 aux Wirtemberg.

 

Les territoires, somme toute de peu d'importance, que le monastère détenait dans le Klettgau, présentent un intérêt particulier. Ils étaient situés dans le village de Hallau et nous avons donc la preuve que les Habsbourg y avaient des possessions. Nous pensons que le Radbot qui apparaît comme comte de Klettgau en 1023 n'est autre que le Radbot de Altenbourg des actes de Muri. On a prétendu que le nom de Radbot était répandu mais en fait il est plutôt rare. Si on tient compte du fait que Altenbourg au bord du Rhin apparaît comme le lieu de juridiction du Klettgau, le doute n'est plus permis. Si Radbot était comte de Klettgau, le comté par contre n'alla pas à ses héritiers car en 1045 apparaît un comte Ulrich et en 1064 un comte Liutold. Ces deux noms n’apparaissent pas dans la famille des Habsbourg mais plutôt chez les seigneurs de Weissenburg et Krenkingen et les Stühlingen.

 

Les possessions d'Ottmarsheim dans le Frickgau ne comprennent que trois localités : Thalheim, Frick et Remigen, toutes en Argovie. Cette région était autrefois considérée comme le berceau de la maison des Habsbourg. Avant de clore l'histoire de la fondation d'Ottmarsheim je dois évoquer les conclusions auxquelles était arrivé un chercheur prudent comme Théodore de Libenau qui dans une étude sur les débuts de la maison des Habsbourg affirma que Rodolphe ne faisait pas partie de cette maison. J'aimerais l'éviter mais je dois évoquer la question compliquée de l'âge et de la valeur des actes de Muri. Comme Liebenau, je pense que l'évêque Werner de Strasbourg n'était pas, comme semblent le laisser entendre les Actes de Muri, le beau-frère du duc Theodoric de Haute-Lorraine et le beau-frère de Radbot mais un personnage de la maison des Habsbourg qui a jeté les bases de la prospérité de cette maison. Pour preuve j'aimerais apporter deux éléments supplémentaires. D'une part les terres de la donation annuelle faite par Werner à la cathédrale de Strasbourg sont situées au milieu des possessions évoquées dans les actes de fondation d'Ottmarsheim et apparaissent plus tard comme faisant partie du domaine des Habsbourg. D'autre part, le nom de Werner n'apparaît jamais dans la maison de Lorraine. Liebenau a aussi montré que ce n'est pas parce que les actes de Muri évoquent le titre de comte que l'on peut en déduire que les Habsbourg détenaient un comté...

 

Sur d'autres points je suis en désaccord. Il croit que parce dans l'acte d'Ottmarsheim de 1063 Rodolphe était qualifié de « vir illustris », que cette qualification ne s'appliquait qu'aux comtes et que, malgré les affirmations des actes de Muri, les Habsbourg ne détenaient pas de comté, Rodolphe ne pouvait pas être un Habsbourg. Mais à cette époque le titre de comte qualifiait le titulaire d'une charge et n'était pas attaché à la personne.

 

Mais les choses ne sont pas aussi simples. Tout dépend si la mise en doute des actes de Muri est toujours justifiée. Comme il attaque en même temps les chroniques d'Ebersheim qui s'appuient sur les actes de Muri, il faut aussi les examiner. Liebenau considère que les chroniques d'Ebersheim sont un maillon de la chaîne de falsifications entreprises dans ce monastère. Il faut replacer ces chroniques dans le contexte de la lutte de Louis de Bavière contre les ducs d'Autriche avec l'intention de voir l'empereur confirmer des privilèges falsifiés.... Mais dans le récit consacré à l'évêque Werner il y a une part de vérité. On nous raconte notamment que Werner aurait donné illégalement des biens du diocèse à Radbot. Werner était un Habsbourg, son frère s'appelait Radbot selon l'acte de 1027 et les deux monastères qui avaient cette information n'avaient pas de lien entre eux... Si la même information apparaît, en provenance de sources, par ailleurs douteuses, mais indépendantes, il faut la prendre en considération...

 

Il me semble hors de doute que les trois frères Werner, Rodolphe et Radbot (auxquels il faut encore ajouter Lancelin) sont à l'origine de l'histoire des Habsbourg. Il est probable que l'un d'entre eux avait des terres dans le comté de Klettgau. La famille semble être de haute noblesse comme le prouve la mention « vir illustris » dans un document royal. L'évêque Werner a jeté les bases de la prospérité de cette maison qui avait des possessions en Suisse (la région de Muri et et les territoires situés entre l'Aar et la Reuss et le Frickgau), en Souabe (Ortenau, Scherragau et Klettgau) mais la part la plus importante se trouve en Haute-Alsace, en Basse-Alsace et dans le Brisgau. Le monastère de Muri avait des possessions dans le voisinage immédiat, dans le sud du Brisgau et en Haute-Alsace. Ces régions constituent le berceau des Habsbourg.

 

Plus tard un Habsbourg sera assassiné dans son château près d'Ottmarsheim et un autre terminera ses jours non loin de là. Tout cela prouve que les Habsbourg étaient liés à cette région et ce avant qu'ils n'aient obtenu la dignité de comte. Ils ont construit leur puissance en Alsace ce qui leur a permis d'accéder à la charge comtale. Comme on peut situer le berceau de la famille sur les bord de la Reuss, on peut, avec les mêmes droits, considérer que le berceau se trouve sur les deux rives du Rhin entre Bâle et Vieux Brisach et que c'est dans l'église du village d'Ottmarsheim que se rassemblaient les Habsbourg au 11ème siècle.

 

 

Résumé de l'histoire des Habsbourg jusqu'en 1272

 

 

 

 

La région que l'on considérait traditionnellement comme étant le berceau de la dynastie n'est peut-être pas celle que l'on croyait et le château sur les bords de l'Aar n'est peut-être pas le siège ancestral de la maison. Une autre région revendique ce privilège. Au moment où cette famille apparaît dans les actes, en plus des propriétés sur les bords de l'Aar et de la Reuss, des possessions importantes sur les deux rives du Rhin, entre Bâle et Vieux-Brisach, lui appartenaient. Ces possessions étaient regroupées sur la rive gauche du Rhin dans la plaine autour de la forêt de la Hardt et sur la rive droite elles s'étageaient sur les pentes du Kaiserstuhl et de la Forêt Noire. Ces possessions s'étendaient jusque dans l'Ortenau, le rugueux Jura souabe, le Klettgau et le Frickgau. Le document du roi Henri IV, que nous avons pu utiliser, atteste ces possessions de la maison dont certaines proviennent peut-être d'héritages féminins.

 

Les actes de Muri placent à la tête de la dynastie Gontran le Riche et son fils Lancelin. Mais c'est la génération suivante qui permet d'assoir nos connaissances : l'évêque Werner de Strasbourg, le comte de Klettgau Radbot et Rodolphe le fondateur du monastère d'Ottmarsheim. Ces trois frères occupent un rang prestigieux parmi les seigneurs de Souabe. Werner accéda au siège épiscopal de Strasbourg et eu la faveur de deux rois. A cette époque, la frontière de la Haute-Alsace séparait la Bourgogne de de l'empire allemand. L'évêque jouait alors un rôle important et dirigeait lui-même l'armée contre les Bourguignons. Il mourut lors d'une mission diplomatique à Constantinople et la légende s'empara de son histoire.

 

Radbot épousa la fille du duc de Lorraine et celui que Henri IV qualifie de « vir illastris » (haut dignitaire), Rodolphe, fonda un monastère dont la splendeur suscite notre étonnement car l'église est une réplique de la Chapelle Palatine d'Aix-la-Chapelle. La configuration des lieux nous indique qu'elle a été transformée par la suite en abbatiale. Mais la lignée de Rodolphe s'est éteinte. C'est probalement un fils de Radbot, le fondateur du monastère de Muri, Otto 1er, qui occupa la charge de comte de Haute-Alsace, charge qui était un temps disparue.

 

Un descendant, Otto II, assassiné à Buttenheim vers 1111 (par Hesso de Uesenberg), a participé à la guerre de 1108 contre les Hongrois dans l'armée de Henri V, en compagnie du duc Frédéric de Souabe. Il est cité comme avoué de l'évêché de Strasbourg pour les possessions de l'Obermundat. Son frère, Albert II, apparaît à plusieurs reprises à la cour d'Henri V mais c'est avec son fils que l'histoire de la dynastie devient plus claire.

 

 

Nous retrouvons Werner III en possession du landgraviat de Haute-Alsace obtenu vraisemblablement par son père, Albert II en 1124. Albert III, le fils de Werner III, devint landgrave et avoué de l'abbaye de Murbach. Il est difficile de trouver un monastère plus important que celui de Murbach avec ses possessions dans deux vallées vosgiennes et dans la plaine, à gauche et à droite du Rhin, ainsi qu'une chaîne de cours dimiêres jusqu'au lac des Quatre Cantons et le couvent de Lucerne placé sous sa dépendance. Ce bailliage n'était pas fermé mais souvent certaines parties étaient données en fief à des ministériels.

 

Le comte Werner III apparaît pour la dernière fois comme membre de l'expédition de l'empereur Frédéric 1er en Italie en 1167. On peut supposer que lui aussi a été victime de l'épidémie qui a frappé l'armée impériale en août.

 

Avec son fils, Albert III (dit le Riche), la famille prit de l'importance. Il a épousé Ita, la fille unique du comte Rodolphe de Pfullendorf et de Wulfhilde, la fille de Henri le Noir de Bavière. Il entra ainsi en parenté avec les Staufen, les Welf et les Zähringen. Par l'héritage d'Ita, les Habsbourg développèrent leurs possessions sur les rives Nord et Est du lac de Constance. Mais ce n'est pas ce qu'ils recherchaient. Cette acquisition aurait divisé leurs possessions en trois centres de décision.

 

L'empereur Frédéric 1er est devenu l'héritier de Rodolphe de Pfullendorf, en guise de compensation il a donné aux Habsbourg le bailliage de Säckingen en 1173, la succession des barons de Biederthal en Haute-Alsace, le comté de Zurichgau jusqu'à l'ouest de la Limmat et du lac de Zurich ainsi que de vastes domaines dans les cantons de Lucerne et d'Unterwald. Ce dernier, le bailliage de Säckingen et le comté de Zurichgau proviennent de l'héritage des comtes de Lenzbourg-Baden disparus en 1172. Leurs autres biens, alleus, l'est du Zurichgau et la bailliage de Schännis sont allés aux Kybourg. Le bailliage de Glaris a été séparé de celui de Säckingen et fut donné par Frédéric Barberousse à son troisième fils, le comte palatin Otto pour lui constituer une région indépendante en Suisse romande. Il lui a aussi donné le comté d'Argovie qui apparaîtra plus tard en possession des Habsbourg (1232/1234). A la mort d'Albert III, son fils Rodolphe se retrouva a la tête de territoires sensiblement agrandis.

 

Même si Rodolphe II a hésité au début des conflits sous Otto IV, il fut l'un des premiers apporter son soutien à Frédéric II. Comme sous les ancêtres, les relations entre les deux dynasties se sont rétablies à la cour de Frédéric II. Rodolphe II et ses fils, Albert IV et Rodolphe III le taciturne sont souvent mentionnés à la cour de l'empereur. Ce lien s'est encore resserré quand Frédéric II est devenu le parrain de Rodolphe, fils de Albert IV et futur roi de Germanie.

 

La volonté des Habsbourg à vouloir relier les territoires alsaciens et ceux de la Reuss a été couronnée de succès lorsque le bailliage impérial éloigné de Uri a été repris par le roi Henri en 1231. Les bonnes relations entre les deux dynasties ont conduit à une compensation. Après la mort des derniers comtes de Homberg, le comté de Frickgau avec d'importants domaines fut attribué aux Habsbourg. Le reste des possessions allèrent au beau-fils du défunt comte Werner, le comte Herman de Frobourg qui prit le titre de comte de Homberg après la construction du nouveau château de Neu-Homberg.

 

Après la mort de Rodolphe II, l'héritage fut partagé entre ses fils, Albert IV le Sage et Rodolphe III le taciturne. Nous savons avec précision ce qui fut attribué à chacun. La branche aînée se vit attribuer les possessions ancestrales : les territoires de Haute-Alsace avec le landgraviat, le landgraviat de d'Argovie, la ville de Säckingen avec le bailliage de la propriété du monastère (à l'exclusion de Laufenbourg), le bailliage de Muri et les villes de Maienbourg, Bremgarten et Brugg. La branche cadette, dite Habsbourg-Laufenbourg, reçut Laufenbourg, les territoires de Willisau et Sempach et ceux du lac des Quatre Cantons. Le bailliage de Murbach était censé être commun mais fut partagé par la suite entre les deux lignées.

 

La branche cadette a obtenu incontestablement des territoires de moindre importance. Il est difficile de dire la raison de ce partage. Il semble qu'elle s'explique par le fait que la branche aînée soit restée fidèle aux Staufen alors que les Laufenbourg hésitèrent avant de se placer dans l'opposition.

 

Albert IV, l'ancêtre de la branche aînée (branche autrichienne) n'a pas survécu longtemps à son père et est mort au cours d'une croisade en Terre Sainte. Son mariage avec Heilwige de Kybourg apportera plus tard au comte Rodolphe IV l'héritage des Kybourg, famille puissante qui joua un grand rôle, avec la ligne cadette des Habsbourg, dans le soutien aux Welf.

 

Le fait de s'opposer aux Staufen n'apporta pas d'avantages aux Laufenbourg. Lors du partage, ils ont acquis des droits dans les anciens cantons forestiers et il devenait évident qu'une opposition anti-impériale allait se développer dans ces vallées alpines. Un fidèle disciple de Frédéric II aurait peut-être pu réussir ce que la roi Rodolphe a accompli dans des circonstances analogues dans le duché de Souabe. Même la construction d'un château au bord du lac des Quatre Cantons (Neu-Habsbourg) sur un fief de l'abbesse de Zurich n'était pas suffisante pour contrôler ces vallées alpines...

 

La branche aînée s'entendait mieux avec ces cantons forestiers. Même les gens d'Uri avaient fait appel à Rodolphe pour arbitrer les différends et des mercenaires issus des cantons officièrent dans l'armée. Les possessions dans ces vallées étaient une source constante de difficultés pour la branche cadette. Mais la branche aînée, ne soupçonnait pas qu'elle allait succomber à cette opposition après des siècles de lutte.

 

Lorsqu'on étudie les luttes entreprises par les confédérés au 13ème siècle contre la Maison de Habsbourg on s'aperçoit que le but n'était pas de se séparer de l'Empire allemand mais au contraire de revendiquer l'immédiateté et de se soustraire à l'emprise seigneuriale. Frédéric II a répondu favorablement aux revendications des habitants d'Uri et non sans hésiter à celles de la Schwyz mais il a oublié de remplacer l'influence des Habsbourg par une organisation territoriale impériale efficace. Lorsque le pouvoir des Hohenstaufen s'effondra, la nouvelle maison royale reposa sur une puissance territoriale relativement faible et si les confédérés soutenaient jusque là le parti des Hohenstaufen les choses allaient changer lorsque le dernier chef de la maison des Hohenstaufen monta sur le trône.

 

Le changement décisif c'est produit lorsque les Habsbourg eurent des rivaux pour l'accession au trône, et des rivaux qui avaient intérêt à avoir des alliés. C'est à partir de ce moment là que les confédérés se séparèrent de l'empire.

 

Les agissements de Rodolphe, futur roi, étaient dictés par deux considérations. D'une part il voulait faire valoir ses droits sur l'héritage maternel des Kybourg et après la disparition de cette dynastie unir les possessions. La question de la lutte contre Pierre de Savoie est amplement débattue et on peut renoncer ici d'en faire la description. L'autre considération de Rodolphe, ignorée jusque là, était la conservation des propriétés impériales mises en gage autour de Bâle. Si, suite à l'engagement pris par le roi Conrad IV, le peuple de Souabe se soumit à lui et si l'abbaye de Saint Blaise entra dans le bailliage des Habsbourg, il rencontra de grandes résistances à Brisach et à Rheinfelden. Dans les derniers jours du règne de Frédéric II, le parti Guelfe du Rhin Supérieur avait trouvé un chef en la personne de Henri de Neunbourg qui avec le soutien d'Innocent IV devint coadjuteur de l'évêque de Bâle. Avec la mort de Frédéric II et de Conrad IV la guerre que se livraient les Guelfes et les Staufen perdit de son intensité sur les sol allemand. C'est l'acte de mise en gage de Conrad IV qui plaça Rodolphe dans le camp des Staufen. Les villes d'empire de Rheinfelden et de Brisach, qui étaient jusque là des soutiens inconditionnels aux Staufen, résistèrent à l'autorité des Habsbourg et voulurent sauver leur indépendance en se ralliant à un vieil ennemi des Staufen, l'évêque de Bâle. Cette situation a conduit à des combats acharnés autour de Bâle jusqu'à l'élection de Rodolphe comme roi des Romains. On a attribué à Rodolphe l'intelligence d'avoir su immédiatement trouver un terrain d'entente pour faire cesser les combats. En réalité ce sont ses adversaires qui, après l'annonce du résultat du vote, ouvrirent immédiatement les portes et lui offrirent la tête de l'évêque Henri de Bâle, qui, en apprenant la nouvelle aurait dit : - Dieu, agrippe-toi à ton siège sinon Rodolphe prendra ta place -.

 

Le comportement des villes impériales le protégèrent d'une erreur des empereurs Hohenstaufen. Le royaume et les biens propres des Hohenstaufen ne faisaient qu'un ; une seule et même administration régissait les deux. Au cours des élections si controversées les rois opposés aux Hohenstaufen revendiquèrent les deux territoires. Les terres impériales, les ministériels liés à l'empire et les villes impériales devinrent incontournables en tant qu'administration centrale. Rodolphe prit soin de ne pas placer ses biens propres sous la même administration que l'administration impériale. Roi de Germanie, il a compris que pour tenir tête aux électeurs il fallait pouvoir s'appuyer sur une dynastie forte.

 

Les luttes pour s'approprier l'héritage des Kybourg et le transfert du bailliage de Saint-Gall permirent d'accroître les possessions en Suisse. En Alsace aussi il a conquis de nouveaux territoires en épousant la fille du comte de Hohenberg, Anna (Gertrude), qui lui apporta en dot le Val de Villé (Albrechtsthal), une voie de passage importante à travers les Vosges. Il essaya aussi d'accroître ses possessions par sa position d'avoué des différentes puissances spirituelles. Depuis 1200, les prélats alsaciens recherchaient un compromis avec les avoués pour l'utilisation des possessions. Rodolphe se réconcilia avec l'évêché de Strasbourg et trouva un compromis avec le prince abbé de Murbach en renonçant au bailliage de Saint-Amarin pour avoir une meilleure emprise sur les autres fiefs. Le déclin de Murbach apporta au vieux roi les droits sur Lucerne et ses environs. A Saint-Blaise aussi les compétences de l'avoué furent clarifiées.

 

Les possessions des évêchés et des monastères provenaient essentiellement de dons de familles nobles. Par la fonction d'avoué et les ministérialités l'administration des biens est retombée entre les mains de la noblesse. Ces deux organes ont affaibli plus d'un monastère. Constance et Reichenau ont abandonné leurs biens à leurs ministériels qui se sont alors assis dans les sièges de chanoines. L'oppression des avoués est souvent le point de départ de toutes les chroniques de l'époque.

 

L'évêché de Strasbourg et l'abbaye de Murbach ont su préserver leurs biens. A Strasbourg, seuls les nobles libres (sans dépendances) pouvaient devenir membres du chapitre . A Murbach aussi l'abbé était la plupart du temps un noble libre. D'autre part, les contrats conclus avec les avoués permettaient de sauver l'essentiel des biens de l'église.

 

Rodolphe s'appropria d'autres possessions plus petites en acquérant Delle et ses environs des comtes de Montbéliard ainsi que Landser de la famille éteinte de de Budenheim. Dans la région de Bade, les seigneurs de Krenkingen.en manque d'argent, lui cédèrent une grande partie de leurs biens, puis commencèrent les acquisitions sur la crête qui sépare le Danube Supérieur du Rhin. Même lorsque les marches de l'Est étaient conquises, lorsque les Habsbourg de la frontière occidentale s'implantèrent dans les régions orientales, ils continuèrent à développer le pouvoir territorial en Souabe.

 

Au sommet de leur puissance, sous Rodolphe et Albert, ce dernier ordonna la réalisation d'un cadastre des possessions. Détailler la partie alsacienne du cadastre nous mènerait trop loin mais nous rappelons que l'organisation administrative des bailliages mise en place par Rodolphe pour gérer les biens de la dynastie était remarquable. L'esprit de Frédéric II et de ses fonctionnaires semble avoir inspiré son compagnon de campagne. Il faut rappeler que les finances étaient en règle et exempts de siphonnages de la part des baillis. L'année 1314 marqua une pause dans l'essor de la maison suite à l'élection controversée et aux luttes qu'elle a entraînés. Une bonne partie des revenus tirés des possessions de l'Autriche antérieure furent alors mis en gage.

 

 

Le processus de désintégration avait commencé dans les domaines ancestraux de la Reuss l'Aar et gagna les terres alsaciennes après la guerre de Trente Ans. En 1649 l'empire autrichien avait perdu ses terres ancestrales où reposaient les membres de la dynastie des Habsbourg.

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