Extraits de Die Herrschaft Rappolstein de Julius Rathgeber 1874. Traduction B. Meistermann
Présentation historique de la dynastie et de la seigneurie de Ribeaupierre
Dans un vieux livre devenu rare aujourd'hui, « Das Seelzagende Elsass » de Balthasar Han, on trouve ces vers :
Drey Schlösser auf einem Berge
Drey Kirchen auf einem Kirchoffe
Drey Stätt in einem Thal
Drey Offen in einem Sahl
Ist das Gantz Elsass überall
Trois châteaux sur une montagne
Trois églises sur un cimetière
Trois villes dans une vallée
Trois poêles dans une salle
Se trouvent en Alsace partout
Par ces vers l'auteur a voulu souligner la fertilité et la richesse de l'Alsace qui offre trois fois plus que ce que l'on peut rencontrer dans une autre province. Par les trois villes dans une vallée il pensait aux villes de Kientzheim, Ammerschwihnr et Kaysersberg distantes d'à peine un quart d'heure de marche et situées dans la vallée de la Weiss. La ville de Kaysersberg était par ailleurs la ville natale du réformateur strasbourgeois Matthieu Zell et le lieu où le célèbre prédicateur Jean Geiler passa son enfance. Les trois églises sur un cimetière existaient jadis, côte à côte, à Riquewihr, le siège du baillage des Wurtemberg. L'église paroissiale, l'église de l'hôpital et la chapelle du cimetière se faisaient face et entouraient le cimetière. Les trois châteaux sont les châteaux de Ribeaupierre qui, dans un site pittoresque, perchés l'un au-dessus de l'autre sur une même colline, jettent un regard protecteur sur la plaine fertile qui s'étale à leur pied.
La petite ville médiévale de Ribeauvillé (Rappoltsweiler), qui servait de berceau et de résidence aux seigneurs de Ribeaupierre (Rappoltstein), s'est développée dans la vallée, entourée de collines verdoyantes recouvertes de vignes.
Au milieu du 8ème siècle, lorsque les francs gouvernaient l'Alsace, un homme dénommé Rappolt, riche et de noble extraction, s'est installé ici. Par la création d'une ferme et de bâtiments viticoles, il est sans doute à l'origine de la fondation de la cité. On ne peut affirmer qu'il ait été à l'origne de la construction du plus vieux des châteaux mais il va donner le nom à la seigneurie : Rappoltstein (Ribeaupierre). Les plus vieux propriétaires de la région étaient sans doute les comtes d'Eguisheim qui possédaient d'ailleurs la plus grande partie de la Haute-Alsace. Par le mariage de la comtesse Adélaïde d'Eguisheim avec Hezelon duc de Franconie et ancêtre des futurs empereurs saliens, la seigneurie devint une possession impériale.
L'empereur Henri IV donna la seigneurie en fief à l'évêque Bourcard de Bâle pour le remercier de sa fidélité pendant la querelle des investitures qui l'opposait au pape Grégoire VII. A la suite d'un échange, la seigneurie redevint possession impériale en 1114 et le resta jusqu'en l'an 1162 où Frédéric Baberousse la donna à nouveau en fief à l'évêché de Bâle. Au 12ème siècle le fief fut transmis à Egenolphe d'Urslingen, l'ancêtre de la dynastie de la maison des Ribeaupierre.
Les points de vue sur l'origine de cette famille noble sont partagés. Les uns la font descendre d'un certain d'un certain Rochus, duc de la ville italienne de Spolète qui fut contraint de quitter sa patrie et avait trouvé refuge en Allemagne. Il serait le fondateur du plus vieux des trois châteaux. D'autres au contraire, et c'est la proposition la plus vraisembable, pensent que l'ancêtre des Ribeaupierre était un noble de la famille des Urslingen qui a accompagné Frédéric Barberousse dans sa campagne d'Italie et a été investi de la prévôté du duché de Spolète. Sur recommandation de l'empereur l'évêque de Bâle lui a transmis la seigneurie de Haute-Alsace en fief en 1168. Eguenolphe était un guerrier pieux et son nom apparaît en 1178 parmi les bienfaiteurs de l'abbaye de Pairis dans le Val d'Orbey.
Au Moyen-Âge les Ribeaupierre apparaîssent fréquemment dans l'histoire de la Haute-Alsace et étendent leur puisssance. Anselme, appelé le preux, a combattu deux empereurs, Rodolphe de Habsbourg et Adolphe de Nassau et son nom est lié à l'histoire de Colmar. Il est mort en 1314.
Vers la fin du 14ème siècle, nous croisons la route de Bruno de Ribeaupierre dont la renommée fut si grande qu'il conclut un pacte avec le roi de France Charles VI pour combattre les Anglais. L'arrestation du chevalier John Harleston et son enfermement dans le donjon du Haut-Ribeaupierre va lui causer beaucoup d'embarras ainsi qu'à la ville alliée de Strasbourg.
Le fils de Bruno, le célèbre Maximin, aussi appelé Smasman I, s'éleva dans les honneurs. En 1399 il devint échanson du duc Philippe de Bourgogne et en 1406, bailli de l'Autriche antérieure. En 1431 l'empereur Sigismond le nomma avoué auprès du synode de Bâle. Il est mort en 1450.
Son petit fils, Smasman II se distingua par sa piété et occupa de hautes fonctions auprès du duc de Bourgogne Charles le Téméraire. Mais c'est sous le petit fils de ce dernier, Guillaume II, que la maison va connaître son apogée. C'était un dignitaire hautement considéré de trois empereurs : Maximilien I, Charles Quint et Ferdinand I. Maximilien le nomma bailli de l'Autriche antérieure et il résida dans le château d'Ensisheim. Charles Quint le fit chevalier de l'ordre de la Toison d'or et confirma le droit à l'héritage des femmes de sa maison.
Guillaume II connut la période troublée de la Réforme mais resta fidèle à ses croyances et le prouva par la sévérité employée pour réprimer la Guerre des Paysans. Son fils Ulrich était attiré par l'étude des évangiles mais décéda en 1531, 17 années avant son père.
La deuxième moitié du 16ème siècle voit le déclin progressif de la maison. La raison principale vient du fait que les descendants se convertirent à la religion protestante. S'ils avaient seulement embrassé le luthéranisme et accordé leur protection à leur coreligionnaires, personne n'aurait pu les en empêcher car c'était prévu dans le traité de Passau et le compromis d'Augsbourg. Mais ils accordèrent la protection à bon nombre de huguenots en provenance de France et de Lorraine, en particulier dans le Val de Liepvre dont la moitié placée était sous leur suzeraineté. C'est état de fait n'était pas pour plaire pas aux baillis autrichiens et à l'évêché de Bâle. Comme les Ribeaupierre tenaient beaucoup de villages en fief de ces suzerains, ils ne purent imposer la réforme que dans leurs alleux. A Ribeauvillé, fief de l'évêché de Bâle il ne leur était permis que d'ériger qu'une chapelle castrale. Il était interdit aux protestants de s'y rendre s'ils n'excerçaient pas une fonction spécifique à la cour. De ce fait, les seigneurs de Ribeaupierre créèrent beaucoup de fonctions à la cour.
C'est Anne Alexandrine de Furstenberg, jeune veuve de Ulrich, qui favorisa grandement, après la mort de son mari, l'introduction de la Réforme encore sous le règne de Guillaume II. Elle entraîna aussi son fils, Egenolphe III, à la lecture des évangiles. Egenolphe III et son fils Eberhard eurent beaucoup de mal à protéger les nouvelles croyances dans les villages où elles ont pénétré. Pour ne citer qu'un exemple parmi d'autres, Jakob Spahler, chargé d'âmes à Heiternheim s'est marié en 1556. Il fut aussitôt arrêté sur ordre de la Régence le 29 janvier en présence de sa femme et emmené à Ensisheim puis à Altkirch. Après une longue période d'incarcération et l'intercession pressante du seigneur Egenolphe il fut libéré.
C'est sous Eberhard qu'éclata la Guerre de Trente Ans, un conflit sanglant qui toucha aussi la seigneurie de Ribeaupierre. C'est surtout dans la deuxième partie de la guerre que les différentes armées pénétrèrent dans la région de Ribeauvillé. Le Val de Lièpvre fut particulièrement dévasté par le passage des armées lorraines et françaises de 1636 à 1638. A la misère de la guerre s'ajoutèrent l'inflation et le développement de la peste. Sainte Marie-aux-Mines et les environs perdirent pendant cette période les trois quarts des habitants. L'exploitation jadis florissante des mines souffrait d'un manque cruel de main d'oeuvre, les champs étaient en friche ou ravagés, des maisons entières étaient délaissées, les forêts servaient de refuge à toutes sortes de racailles, et le visage blême des habitants de la vallée portait les stygmates de la faim et du désespoir. C'est au milieu de cette misère sans nom que décéda Eberhard qui s'était réfugié à Strasbourg. Marie Agathe de Hanau, après son veuvage, retourna à Ribeauvillé pour partager avec les habitants la misère et le danger et elle supporta avec courage et piété les contraintes de la guerre. Un jour sa détresse fut si grande qu'elle envoya ses bijoux à Bernard de Weimar, qui occupait alors Brisach, pourqu'il les conserve en gage et consente un prêt d'argent. Le noble général lui renvoya le gage accompagné d'une somme d'argent conséquente et la priait de bien vouloir l'accepter en attendant des jours meilleurs qui lui permettront d'en faire davantage.
Le passionné d'histoire gardera le souvenir que c'est pendant cette période de misères et de troubles que naquit à Ribeauvillé, le 25 janvier 1635, un apôtre de la paix et thélogien luthérien, Philippe Jacob Spener, auteur du texte fondateur du piétisme.
Lorsque le traité de Westphalie mit fin au conflit, les seigneurs de Ribeaupierre suivirent le même sort que les autres nobles alsaciens. Georges Frédéric de Ribeaupierre reconnut la souveraineté du royaume de France et son fils Jean Jacques en fit de même. Il lui succédera et sera élevé à la dignité de comte. Décédé en 1673 sans laisser d'héritier mâle, c'est avec lui que va s'éteindre la lignée masculine de la maison. Sa fille, Catherine Agathe, avait épousé en 1667 le comte palatin protestant Christian II de Birckenfeld qui résidait à Bischwiller. C'était un des premiers nobles alsaciens à s'être mis au service de Louis XIV. En échange, il fut récompensé par des lettres patentes favorables et confirmé dans toutes ses droits. Christian II et tous ses successeurs se mirent au service de la France et entretinrent de bonnes relations avec la cour de Versailles et leurs vassaux profitèrent également de cette situation. Il en fut ainsi sous Christian II et Christian III qui résidèrent souvent à Ribeauvillé. Ce dernier hérita encore en 1734 du duché des Deux-Ponts. Les seigneuries furent partagées entre ses deux fils par un contrat conclu encore du vivant du père. Christian IV hérita des territoires des Birckenfeld et des Deux Ponts et le cadet Frédéric entra en possession de la seigneurie de Ribeaupierre. Ce dernier vécu surtout à Paris où il se convertit au catholicisme au grand dam de ses sujets protestants. Il les rassura en tenat un discours empreint de franchise et tint par la suite parole. Il eut deux fils ; Charles II qui devint duc des Deux-Ponts et Maximilien futur prince-électeur et roi de Bavière. Un contrat passé le 27 mars 1778 lui attritbua le comté de Ribeaupierre. Qui ne se souviens pas du bienaimé « Prince Max », commandant du Royal-Alsace à qui ses grenadiers ont sacrifié leur moustache lors de la naissance de son premier enfant Louis.
Même les protestants gardent un bon souvenir du Prince Max car il leur a permis de construire un temple et leur à offert le terrain pour son édification. La tempête de la Révolution mis fin à l'indépendance de la signeurie de Ribeaupierre. Au péril de sa vie, le Prince Max parvint à s'enfuir en traversant le Rhin par bateau. Ses châteaux et leurs superbes jardins furent dévastés et dévalisés. Certains employés le suivirent en Bavière pendant que d'autres restèrent éparpillés en Alsace. Par la paix de Lunéville (1801), le comté de Ribeaupierre fut incorporé dans le département du Haut-Rhin et à la République Française. Les archives des seigneurs de Ribeaupierre ont été versées aux archives du Haut-Rhin où elles restèrent jusque dans les années soixantes avant de rejoindre les archives de Bavière à Munich. Le splendide hanap d'argent de trois pieds de haut et pesant 25 livres, vrai chef d'oeuvre qui a été réalisé à l'aide du métal extrait des mines de Saint-Marie-aux-Mines, a été rendu à Maximilien I et trône dans le cabinet de curiosités à Munich. Certaines pièces de hanap, datant de l'époque des braves seigneurs, sont encore visibles à l'Hôtel de Ville de Ribeauvillé.
Après avoir passé en revue la noble famille des Ribeaupierre et de leurs héritiers les ducs de Deux-Ponts, nous nous interresserons au berceau de la dynastie : la ville de Ribeauvillé et ses châteaux.
A une demi heure de la ville, perché sur une élévation rocheuse, se trouve le plus vieux château, le Haut-Ribeaupierre (NB : note du traducteur : cette affirmation semble contredite par les observations actuelles sur les méthodes de contruction qui désignent le Saint-Ulrich comme château le plus ancien). C'est certainement, avec le château d'Isenbourg et le château situé dans la ville d'Eguisheim, tous deux détruits de nos jours, la contruction la plus ancienne du Moyen-Âge en Alsace. Ce château servait vrasemblablement déjà de résidence aux seigneurs d'Eguishem avant d'être occupé par ceux d'Urslingen. Les actes mentionnent le château en 1084 mais il n'a pas gardé son rang car au treizième siècle il est déjà désigné comme le vieux château. En 1280 et en 1284 l'empereur Rodolphe de Habsbourg rendit visite à Anselme de Ribeaupierre et en 1287 il en fit même le siège mais en vain. Le roi de France Charles VII conclut un accord avec Bruno de Ribeaupierre pour permettre à ses troupes d'y séjourner et d'obtenir un droit de passage ; ce qui prouve que ce château occupe une position stratégique importante. Jusqu'au 13ème siècle, le Haut-Ribeaupierre servait de résidence à l'ainé de la maison.
Le château situé à droite en contrebas s'appelait le « Stein » et fait son apparition dans les écrits déjà au 13ème siècle. En 1288 la foudre a enflammé son toit. Les seigneurs de Ribeaupierre entreprirent la réparation et le donnèrent en fief aux seigneurs de Girsberg dans le cradre d'un échange. Le seigneurs de Girsberg occupèrent le château jusqu'en 1422 année ou une querelle les opposèrent aux Ribeaupierre. Smassman I et son allié le comte Jean de Lupfen firent le siège du château et l'envahirent malgré une résistance farouche. A cette occasion, Guillaume de Girsberg, le dernier possesseur, perdit la vie. A partir de ce moment ce château, le plus petit des trois, resta en possession des Ribeaupierre.
Le troisième château, situé à gauche, fut appelé par opposition au Haut-Ribeaupierre le Bas-Ribeaupierre. Il fut également érigé au 13ème siècle. En 1435 Smassman I en fit sa résidence, l'aggrandit et y édifia une chapelle castrale dédiée à Saint-Ulrich qui, plus tard, donna son nom au château qui fut occupé jusqu'au début de la guerre de Trente Ans alors que les autres furent abandonnés au 16ème siècle.
Après la guerre de Trente Ans les seigneurs de Ribeaupierre et leurs successeurs les comtes palatins de Birckenfeld-Deux-Ponts résidèrent dans un château situé à proximité de la ville, entouré de vignobles et doté d'un parc aménagé en terrasses. C'est le bailli autrichien Guillaume I de Ribeaupierre qui en décida la construction. C'est un château de style renaissance situé dans un environnement unique. A partir des terrases des jardins on jouit d'une vue incomparable. Le roi Louis XIV y passa une nuit le 1er septembre 1673 lorsqu'il fit sa tournée d'inspection de les fortifications de Neuf-Brisach créées par Vauban et qu'il s'empara de la ville impériale de Colmar. Le roi Stanislas Leczinsky y passa quelques jours en 1725 lors d'un voyage en France. C'est aussi dans ce château que le futur roi de Bavière, le Prince Max, vécu sa jeunesse et il abrita également pendant la terreur des religieux des deux confessions que le représentant du peuple Heintz voulait arrêter. Le château devint ensuite un domaine privé avant d'abriter une institution de jeunes fille, une des meilleurs du Haut-Rhin (note du traducteur : à l'heure actuelle l'emplacement est occupé par lycée de Ribeaupierre).
Après avoir passé en revue ces quatre châteaux, nous allons nous intéresser à la ville médiévale qui s'est développée à leur pied, à l'entrée d'une vallée paisible où une route sinueuse et romantique nous conduit à la ville industrielle de Sainte-Marie-aux-Mines. Le point de départ de la ville était sans doute une métaierie créée par Rappolt au 8ème siècle, entourée de bâtiments viticoles et de logements destinés aux serviteurs. A l'époque de la domination romaine en Alsace nous pouvons penser qu'il y avait un casernement car des pièces romaines ont été trouvées en 1745 ainsi qu'une médaille en or à l'effigie de l'empereur Hadrien. Les remparts qui entourent la ville apparaîssent pour la première fois dans un vieil écrit daté de 1290. C'est l'empereur Rodolphe de Habsbourg, apparenté aux Ribeaupierre par sa mère, qui donna l'autorisation d'ériger des remparts autour de la ville qui s'est développée par l'absorption de Roggenhausen, Ellenweiler et Altheim. En 1293 Ribeauvillé fut occupé par l'empereur Adolphe de Nassau qui occasionna d'importants dommages aux maisons et au vignoble. Un acte de partage datant de 1298 nous décrit la configuration particulière de la ville. Elle était entourée de quatre portes orientées suivant les 4 points cardinaux et reliées entre elles par des remparts. Au centre de la ville il y avait de nouveau trois portes située dans quatre quartiers différents également délimités par des remparts. Ces quartiers portaient les noms : ville-haute, village-haut, vieille-ville et ville-basse. Au centre de la ville on trouve encore aujourd'hui une vieille tour appelée Tour des Bouchers qui servait de porte intérieure et délimitait les deux quartiers du haut des deux quartiers du bas. Sur cette tour, couronnée par un chemin de ronde, on peut voir les armoiries des seigneurs de Ribeaupierre avec le collier de la toison d'or.
La ville de Ribeauvillé bénéficia au cours des temps de divers privilèges et libéralités que les seigneurs de Ribeaupierre obtinrent des différents empereurs, à tel point qu'elle ressemblait fort aux villes impériales de la Décapole. Sous Bruno I, elle eut le privilège d'avoir sa propre juridiction. Maximilien I accorda à la ville le droit d'asile qui permettait à tout homme pousuivi de séjourner dans la ville pendant un an. Avec l'autorisation de Maximilien I en 1504 et de Charles Quint en 1550 la ville put organiser deux marchés où les biens pouvaient circuler librement.
Au 14ème siècle déjà les seigneurs de Ribeaupierre favorisèrent la création d'une représentation communale. Le conseil bénéficiait de certains privilèges et ses résolutions, comme dans les villes impériales, étaient certifiées par son propre sceau. En 1403 le seigneurs de Ribeaupierre accordèrent à la ville des privilèges étendus par la suite en 1550 par Egenolphe III. L'ensemble de ses lois est conservé dans les archives de la ville. En 1510 les seigneurs de Ribeaupierre mirent sur pied une sorte de milice communale qui devait épauler les mercenaires à leur service en cas d'attaque ennemie et assurer la tranquilité des habitants. A vrai dire cette milice n'était pas toujours digne de confiance car lors du soulèvement du « Bundschuh » en 1493 elle fit cause commune avec les insurgés.
Les seigneurs de Ribeaupierre embellirent aussi la ville par la contruction de différents bâtiments. En 1284 ils donnèrent le terrain pour la construction de l'église paroissiale dédiée à Saint Grégoire, qui fut achevée sous Guillaume I et qui accueille dans son choeur les sépultures des ancêtres de la dynastie. Malheureusement elles furent profanées à l'époque de la Terreur et les anciennes armoiries ont été détruites ; même la voûte a été démolie.
Il y avait jadis à Ribeauvillé plusieurs couvents et en particulier un couvent des Dominicains dont l'église sert aujourd'hui de Halle aux Blés et celui des Augustins situé au centre de la ville qui subsista jusqu'à la Révolution. C'est Henri II de Ribeaupierre qui fonda ce couvent à la demande des bourgeois de la ville en 1297. Après une période d'abandon sous la Réforme (1527) les Augustins en reprirent possession sous Louis XIV (1665) et le rénovèrent entièrement en 1776. Au début du 19ème siècle il fut racheté par les Soeurs de la Divine Providence qui y installèrent un institut de formation destiné aux jeunes filles. On peut admirer dans l'église des Augustins un monument à l'honneur de Henri II de Rappolstein, fondateur du couvent. Sur la place du marché située devant l'Hôtel de Ville se trouve une vieille fontaine qui date de 1536. Elle est surmontée d'un lion qui tient dans ses pattes les armoiries des Ribeaupierre. La fontaine située sur la place de la Sinne en haut est ornée d'une statue symbolisant la ville qui a été offerte par le célèbre sculpteur alsacien Friederich (1798-1877) à sa ville natale.
A l'entrée de la ville et s'étendant vers la plaine, à gauche le long de la route départementale, se trouve un grand jardin ombragé connu sous le nom de Herrengarten. A cet endroit se tenait jadis une métaierie du nom de Blauelhof ; le seigneur Eberhard l'a achetée en 1617 et y a implanté un espace destiné au parc. Après la mort du seigneur Jean Jacques, le Blauelhof fut vendu mais il fut racheté en 1681 par le comte palatin Christian II de Birckenfeld qui l'embellit encore. Le Prince Max quant à lui a aggrandi considérablement ces jardins. Le Herrengarten devint bien national au moment de la Révolution et il fut vendu aux enchères en plusieurs lots. A l'époque napoléonnienne le conseil municipal adressa une requête à l'empereur, appuyée par le Prince Max, pour annuler ces ventes et en faire un jardin de promenade pour la ville. Par un acte daté du 2 septembre 1809 la ville racheta le Herrengarten pour 4500 francs. Depuis cet date il n'a pas cessé d'être entretenu et embellit.
A une petite demi-heure de la ville, niché dans un vallon, se trouve un très ancien lieu de pèlerinage renommé, le monastère dédié à ND de Dusenbach. C'est en 1219 qu'Egenolphe II fit construire une chapelle et un mont des oliviers après son retour de croisade à Damiete dans un site entouré de forêts. Quanrante ans plus tard, les deux frères Ulrich II et Henri I firent construire une deuxième chapelle dans cette vallée et à la fin du siècle, Andelme II, dit le téméraire, en fit construire une troisième après avoir failli succomber à un accident de chasse. Poursuivant un cerf à travers les épaisses forêts il tomba avec son cheval dans un précipice haut de quanrante pieds. L'endroit est encore visible de nos jours et porte de nom de Saut du Cerf (Hirschsprung).
En l'an 1365, lorsque les « Anglais » sauvages envahirent l'Alsace, les trois chapelles furent dévalisées et détruites. Les seigneurs de Ribeaupierre les remirent en état. Le pieux Smasman II, après son retour sain et sauf d'un long et pénible pèlerinage en Terre Sainte en 1484 y fit ériger un Mont des Oliviers avec diverses statues représentant le Christ et ses apôtres et dédia le lieu à Notre Dame de Dusenbach. Les chapelles furent encore gravement endommagées pendant la Guerre de Trente Ans. La population catholique de Ribeauvillé fit tout pour entretenir ce lieu et en 1760, à côté des trois chapelles, on édifia un église destinée à accueillir les pèlerins. Ces lieux de prières furent encore dévastées pendant la Révolution mais il reste encore des traces de cette splendeur passée.
ND de Dusenbach fut jadis la patronne des ménestrels alsaciens et les sieurs de Ribeaupierre leur roi, du Hauenstein à la Forêt de Hagenau. Après les croisades, le sud de l'Allemagne était envahi par les musiciens, les jongleurs et les chanteurs de rue. Ils erraient à travers le pays, seuls ou en petits groupes, parfois accompagnés d'animaux, certains habitants les appréciaient et d'autres les considéraient avec dédain, on les appelait les ménétriers. Ils frappèrent aux portes des châteaux et s'introduisaient souvent dans la cour des seigneurs voir même dans le palais de l'empereur.
D'après le chroniqueur Jacques de Könishoffen ils cherchèrent à participer au mariage de l'empereur Henri III à Mayence. Ils étaient si nombreux qu'il fallut les éconduire. Leur sort fut meilleur au cours des festivités de Noël organisées par Charles IV à Mayence car ils furent invités à participer au banquet.
Dans de nombreux endroits on leur interdisait l'accès aux lieux de culte, parfois ils étaient seulement interdits de communion. L'évêque de Strasbourg interdisait même aux prêtres, sous peine d'excommunication, d'accueillir et d'héberger cette populace errante. Déjà au douzième siècle, le Conseil de Strasbourg interdisait l'accueil de plus de quatre de ces troubadours à l'occasion des mariages ou d'autres festivités et de leur offrir des présents. Si un de ces ménestrels s'invitait à la table d'un honnête homme il devait être puni d'une amende et les serviteurs de maison pouvait s'emparer de ses vêtements.
Ces fils nomades d'Appolon ne pouvaient plus tolérer de telles brimades ; ils se réunirent à plusieurs reprises, éloignèrent les brebis galeuses et créèrent une confrérie qu'ils placèrent sous la protection des seigneurs de Ribeaupierre. D'après un acte établi par Smassman de Ribeaupierre, en 1400, celui-ci reconnaît que sa dynastie détient en fief d'empire, depuis les temps les plus reculés, la suzeraineté sur tous ces ménétriers. Les sieurs de Ribeaupierre furent appelés rois des ménétriers et portèrent un couronne dorée spécialement prévue à cet effet. Ils obtinrent de Charles Quint le droit de tenir des marchés annuels et de frapper des monnaies d'or et d'argent. Ils réconcilièrent leurs vassaux avec l'église et obtinrent pour eux du pape le droit de participer à la communion. Leur confrérie fut enfin dédiée à ND de Dusenbach. Et les adhérents qui avaient versé leur contribution annuelle au seigneur eurent l'autorisation, sur tout le territoire, de participer à toutes les fêtes, inaugurations ou mariages pour exercer leur art moyennant une rétribution en argent ou en nature. Comme le nombre des adhérents se développa il fallut créer trois confréries : celle du haut située entre la montagne appelée Hauenstein dans le Jura jusqu'à la montagne appelée Ottmarsbühel près de Colmar, la confrérie moyenne qui allait de Colmar à Epfig et celle du bas d'Epfig à la forêt de Haguenau. Après la mort du dernier Ribeaupierre en 1673, Jean Jacques, c'est son gendre le comte palatin Christian de Birckenfeld qui entra en possession de ce fief qui va rester un apanage des Birckenfeld-Deux-Ponts.
Le jour des ménétriers, les saltimbanques se présentaient dans le plus grand apparat. Au lever du jour un batteur de tambour parcourait la ville accompagné de deux joueurs de pipeau pour appeler au rassemblement les frères venus des quatre coins de l'Alsace. Ils se réunirent en tenue d'apparat devant le restaurant « Au Soleil » dans la ville basse, portant à la boutonnière, l'insigne de l'ordre, la médaille d'argent à l'effigie de Marie de Dusenbach. Avec leur étendard flottant au vent et en fanfare ils rejoignirent leur commandant, le lieutenant du roi des ménétriers qui portait en signe de distinction une couronne dorée. Il les attendait, entouré du tribunal composé du prévôt et de quatre maîtres dont l'enseigne, l'assistant et l'appariteur. En grande tenue ils partirent en pèlerinage à ND de Dusenbach pour participer à la grand-messe et apporter en offrande de l'argent et de la cire. La foule qui s'était rassemblée pour l'occasion pour participer à la fête attendait avec impatience la fin de l'office. Les ménétriers étaient acclamés à la sortie de l'église et le cortège s'en retourna pour rejoindre la ville en rejoignant d'abord le château pour déclarer leur allégeance à leur roi, le seigneur de Ribeaupierre, et le réjouir en lui jouant une aubade. Puis le cortège s'en retourna au restaurant pour un repas en commun.
Après cela, la session du tribunal pouvait commencer et c'est le roi des ménétriers qui déclarait l'ouverture de la séance pour entendre toutes les doléances. Le tribunal prononça souvent des sanctions à l'encontre des contrevenants pouvant aller jusqu'à cent florins. Les amendes étaient versées au seigneur de Ribeaupierre. Parfois il fallait seulement apporter quelques cierges à ND de Dusenbach. A la fin de la séance, les hérauts agitaient leurs étendards pour signaler que la fête pouvait commencer. Alors les saltimbanques égayèrent la foule par des danses, des sauts et un spectacle de lancer d’œufs, accompagnés par les musiciens qui jouèrent de leurs différents instruments. Les hérauts agitèrent à nouveau leurs étendards pour marquer la fin des réjouissances et la fête se termina par des danses sur les différentes places de la ville. Cette protection des ménétriers d'Alsace était une source de revenu non négligeable pour les seigneurs de Ribeaupierre. Chaque musicien devait s’acquitter d'une taxe de deux florins et en cas de décès de l'un d'entre eux, ils récupéraient l'instrument et la médaille de l'ordre. Cette fête des ménétriers s'est perpétuée à Ribeauvillé jusqu'à nos jours et est aussi l'occasion d'un marché annuel.
Pour terminer et donner au lecteur une idée de l'importance de la seigneurie nous ajoutons qu'elle était composé de 8 bailliages, trois en montagne, trois dans le vignoble et deux dans le Ried, la plaine le long du Rhin. Les trois bailliages de montagne sont :
le Val de Lièpvre dont la partie Welche située rive gauche était lorraine et dont la rive droite allemande appartenait aux Ribeaupierre. La Liepvre servait de frontière entre les deux seigneuries,
le bailliage du Hohnack qui recouvre les populations de langue romane situées dans la vallée de Kaysersberg, le Val d'Orbey et les vallées de Lapoutroie et de Fréland,
le bailliage de Wihr-au-Val qui recouvre les villages de l'entrée du Val Saint-Grégoire.
Les bailliages situés dans le vignoble comprennent :
le bailliage de Ribeauvillé avec le village de Thannenkirch,
le bailliage de Bergheim où les templiers possédaient jadis une commanderie,
le bailliage de Zellenberg que les Ribeaupierre détenaient en fief de l'évêché de Strasbourg avec son village perché sur la colline.
Dans le Ried nous trouvons :
le bailliage de Guémar avec le vieux châteaux de Molkenbourg aujourd'hui détruit, qui fut un fief de l'abbaye de Murbach,
la région de Heiteren située près de Neuf-Brisach.
Les armoiries des Ribeaupierre sont d'argent à trois écussons de gueules. Sur certaines armoiries nous pouvons aussi trouver les armoiries du Hohnack, d'argent à trois têtes d'aigle arrachées de sable, becquées et couronnées d'or, lampassées de gueule ainsi que celles des Geroldseck, d'argent au lion de gueule couronné, armé et lampassé. (NB : les familles Ribeaupierre et Geroldseck étaient liées par alliances et au 14ème siècle Bruno de Ribeaupierre obtient de l'évêché de Metz une partie de la seigneurie de Geroldseck).
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Hory Raby (samedi, 27 janvier 2024 18:07)
Merci je cherche depuis si longtemps cet historique