A la fin du 19e siècle, des travaux entrepris au sol de l'église Sainte-Foy de Sélestat ont permis de mettre à jour le tombeau d'une femme dont le corps avait été recouvert de chaux qui s'est durcie sous l'effet du temps. Cette découverte a permis la réalisation d'un moulage de son buste dont une copie est visible dans la crypte même de l'église. Qui était cette belle inconnue comme on l'appelait alors ? Etait-ce Hildegarde de Sélestat, l'épouse de Frédéric de Büren et ancêtre de la prestigieuse dynastie des Hohenstaufen ?
Le port de tête altier, hélas, ne semble pas correspondre à une femme qui est morte à plus de 70 ans. Peut-être s'agit-il de sa fille Adélaïde qui est morte bien plus jeune de la peste, comme sa mère. Le mystère reste entier ; l'origine de Hildegarde est, elle aussi, incertaine bien qu'un certain consensus semble la désigner comme la fille de Gérard d'Eguisheim Dabo et donc la nièce du Pape Léon IX.
L'attribution du duché de Souabe et d'Alsace et la fondation du prieuré de Sainte-Foy
Frédéric de Büren était originaire de Souabe, aujourd'hui Bade-Wurtemberg, et le nom de Büren proviendrait de Wäschenbeuren, localité située près du château de Hohenstaufen, non loin de Göppingen. Son mariage avec Hildegarde va lui permettre d'étendre ses possessions en Alsace et de cette union vont naître 5 garçons : Frédéric, Conrad, Louis, Walter et Otton et une fille : Adélaïde. Pendant la Querelle des Investitures les Hohenstaufen resteront fidèles à l'empereur Henri IV qui va accorder la main de sa deuxième fille Agnès à l'aîné, Frédéric, et lui confier le duché de Souabe et d'Alsace après la déposition et la mort de Rodolphe de Rheinfelden. Frédéric I et Agnès de Waiblingen vont consolider le château de Hohenstaufen et fonder le monastère de Lorch qui va servir de nécropole à la dynastie.
En 1082, en pleine Querelle des Investitures, Otton accède au siège épiscopal de Strasbourg, grâce à l'appui de l'empereur Henri IV. Pour son pouvoir spirituel mais aussi temporel cette fonction constitue un enjeu majeur dans la lutte entre le parti impérial et le parti grégorien représenté alors par la dynastie des Eguisheim-Dabo comtes de Nordgau. La lutte que se mènent les deux familles va toutefois conduire à la conclusion d'un compromis. Pour sceller l'accord Otton invite Hughes VII de Eguisheim-Dabo dans sa résidence de Haslach où ce dernier va être assassiné le 5 septembre 1089.
Hildegarde, la mère d'Otton, avait fait construire en 1087, à Sélestat, une chapelle en vénération du Saint Sépulcre. C'est vraisemblablement la forfaiture commise à Haslach qui va conduire trois de ses fils à entreprendre un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle en passant par Conques où l'on vénérait la sainte Foy d'Agen, martyre du 4e siècle. A leur retour, ils proposèrent à leur mère d'en faire don aux moines bénédictins de Conques en Rouergue. C'est ainsi que des moines en provenance de cette abbaye vont venir à Sélestat pour fonder une petite cellule monastique liée à l'abbaye de Conques. En 1152, Frédric Barberousse, fils de Frédric le Borgne, va permettre la construction d'une église prieurale, l'église Sainte-Foy de Sélestat.
De Frédric I, le duché de Souabe et d'Alsace va passer à son fils aîné Frédéric le Borgne qui va consolider son autorité en Alsace en faisant construire avec l'aide de ses vassaux un ensemble de forteresses ce qui fit dire à l'évêque Otton de Freising, l'historien de Frédéric Barberousse, qu'il traînait toujours un château à la queue de son cheval. Cette main-mise sur l'Alsace entraîna de nombreux conflits avec la famille Eguisheim-Dabo et la destruction de l'abbaye de Hohenbourg. Il va enfin choisir Haguenau, à l'orée de la Forêt Sainte, pour y installer, sur une île sur la Moder, une résidence de chasse. Devenue ville d'empire et fortifiée, elle sera à partir du 13e siècle le siège du grand baillage d'Alsace et de la Décapole.
Une accession au pouvoir pour le moins mouvementée
La fin du règne de Henri IV va donner lieu à une période de troubles ou l'aristocratie va se livrer à une lutte acharnée pour le pouvoir. Son propre fils, Henri V va se rebeller contre lui et après la déposition de son frère aîné Conrad par la diète de Mayence en 1098, il va contraindre son père à l'abdication en 1106. Par le concordat de Worms de 1122 Henri V va tenter de mettre fin à la Querelle des Investitures. Après sa mort en 1125, sans descendance directe de son union avec Mathilde, la fille de Henri 1er d'Angleterre, c'est Lothaire, de la dynastie de Supplinbourg, qui va monter sur le trône de 1125 à 1137. Henri V avait reconnu les Hohenstaufen comme devant assurer la succession mais le comité électoral réuni à Mayence en août 1125 les a écartés à la majorité.
Pour consolider sa position, Lothaire donna encore sa fille Gertrude en mariage au duc de Bavière, Henri le Superbe de la maison des Welfs. C'est ainsi que démarra la bataille entre les Guelfes et les Gibelins. La localité de Waiblingen va être associée aux Hohenstaufen au cours des nombreuses expéditions en Italie où les troupes fidèles à l'empereur utilisaient le nom de Wiblingen comme cri de guerre. Ce cri de ralliement, transformé par les troupes italiennes en Guibellini va donner naissance au terme de Gibelins que l'on va opposer aux Guelfes partisans de la Papauté. Le nom de Guelfes provient de la lignée des Welfs, rivale pour l'accession au trône et de l'absence de la lettre w dans l'alphabet italien. Après une campagne d'Italie en 1132 où il reçut la couronne impériale et les terres de la comtesse Mathilde, il va obtenir encore la soumission des Hohenstaufen, A la suite d'un deuxième voyage à Rome en 1136 où il soumit Roger de Sicile et donna à son gendre les fiefs de Toscane de la comtesse Mathilde il va trouver la mort à son retour vers l'Allemagne, à Breitenwang dans le Tyrol le 3 décembre 1137. En mourant il remit le duché de Saxe et les insignes royaux à son gendre Henri de Bavière.
Encore une fois les pronostics furent déjoués et suite à l'intervention du légat du Pape Dietwin, originaire de Souabe, et à celle de l'archevêque de Trèves Albéron, l'élection, qui se déroula à Mayence le 22 mai 1138, porta sur le trône Conrad de Hohenstaufen duc de Franconie, fils cadet de Frédéric de Souabe et frère de Frédéric le Borgne, duc de Souabe et d'Alsace. Cette élection, qui ne va pas plaire à Henri le Superbe et plus généralement à la Bavière et à la Saxe, va déclencher une véritable guerre civile. On peut se demander pourquoi le fils aîné, Frédéric le Borgne n'a pas été choisi. Il est possible que le fait d'être borgne constituait un handicap pour se porter candidat à moins que son mariage avec Judith de Bavière de la maison des Welfs ait été jugé comme une menace par les électeurs soucieux de leur liberté et de leur autonomie. Henri le Superbe refusa de se soumettre et perdit ses duchés de Bavière et de Saxe et la lutte entre Guelfes et Gibelins va se poursuivre bien après sa mort le 20 octobre 1139 à Quedlinbourg.
Le règne de Conrad III (1138-1152)
Le règne de Conrad, qui prendra le nom de Conrad III, sera marqué par la lutte contre les Welfs animée par Gertrude de Supplinbourg la veuve de Henri le Superbe, Henri le Lion son fils et l'oncle de ce dernier Welf VI. Un épisode célèbre est le siège de Weinsberg (1140), rapporté par Otton de Freising. Voulant laisser la vie sauve aux femmes et aux enfants le roi leur intima l'ordre de quitter la ville en emportant ce qu'ils avaient de plus cher. Les assiégeants eurent la surprise de voir passer un cortège de femmes qui entraînaient à leur suite leurs enfants, chacune portant sur son dos son mari. Le roi partit d'un éclat de rire et laissa à tous la vie sauve. Cette plaisante anecdote semble toutefois se retrouver en d'autres lieux et d'autres occasions.
Conrad participera aussi à la deuxième croisade (1146-1149) prêchée par Bernard de Clairvaux et à laquelle pris part le roi de France Louis VII, accompagné de son épouse Aliénor d'Aquitaine. Après la défaite de Dorylée et l'échec du siège de Damas les deux rois s'en retournèrent. Conrad passa encore l'hiver à Constantinople chez son beau-frère l'empereur de Bysance Manuel 1er Comnène marié à Berthe de Sulzbach et rebaptisée Irène. Berthe de Sulzbach était la sœur de sa deuxième femme Gertrude de Sulzbach. Il mourut le 15 février 1152 à Bamberg après avoir désigné son neveu, fils de Frédéric le Borgne, comme devant se présenter à la succession. Son fils aîné Henri Bérenger, qu'il avait désigné comme roi associé trouva la mort en 1150 et sera inhumé à Lorch, le fils cadet était encore trop jeune pour se présenter à l'élection.
Frédéric Barberousse (1152-1190)
Frédéric III de Hohenstaufen sera élu roi des romains à Francfort le 4 mars 1152 sous le nom de Frédéric I, couronné à Aix-la-Chapelle le 9 mars et recevra la couronne impériale des mains du Pape Adrien IV trois ans plus tard. Ayant un père Gibelin et une mère Guelfe il était cette fois considéré comme susceptible de pouvoir apaiser les tensions entre ces deux partis et ainsi stabiliser le royaume. Il est plus connu sous son sobriquet de Frédéric Barberousse et a su se forger l'image du valeureux guerrier défendant le Saint-Empire ce qui va donner naissance à un véritable mythe qui bien des siècles plus tard nourrira encore le nationalisme allemand.
Au cours de son règne, Frédéric Barberousse ne fit pas moins de 6 expéditions en Italie de 1154 à 1187 pour asseoir l'autorité de l'Allemagne sur les villes lombardes dont la puissance économique et militaire ne cessait de grandir. Il obtint des succès comme la prise de Tortone en 1154 ou la destruction de Milan en 1162 mais ne parvint pas à vaincre la Ligue Lombarde alliée au Pape Alexandre III à Legnano le 29 mai 1176.
Frédéric Barberousse hérita aussi du passé de la Querelle des Investitures et son autorité va sans cesse se heurter à celle de la Papauté et ce malgré la paix de Constance de 1183 qui permet de stabiliser les tensions. Après la prise de Jérusalem par Saladin en 1187, Grégoire VIII appela à une nouvelle croisade en 1189. Frédéric Barberousse va y participer au côtés de Richard Coeur de Lion et de Philippe Auguste. Cette croisade qui a conduit à la prise certaines villes portuaires en Terre Sainte comme Saint-Jean-d'Acre ne permettra pas de libérer Jérusalem. Elle sera fatale à l'empereur qui va se noyer accidentellement dans le fleuve Saleph en Anatolie le 10 juin 1990 à l'âge de 69 ans.
Contrairement aux espérances, le conflit avec les Welfs qui connut des moments d'accalmie, ne s'arrêta pas et Henri le Lion, qui refusa d'accompagner Barberousse dans ses dernières campagnes en Italie fut contraint à l'exil en Angleterre, avec sa femme Mathilde, auprès de son beau-père Henri II et dépossédé de ses fiefs. Leur fils Otton sera élu roi des Romains sous le nom de Otton IV en 1198, et couronné empereur par le Pape Innocent III en 1209, après l'assassinat de son concurrent Philippe 1er de Souabe. C'est le seul empereur Welf et il va succéder, ironie du sort, à Henri VI de Hohenstaufen.
Après un premier mariage annulé avec Adelaïde de Vohbourg, décédée en 1151, Frédéric Barberousse épousa en seconde noce en 1156 à Wurtzbourg Béatrice de Bourgogne, la fille du comte Renaud III de Bourgogne et de Agathe de Lorraine, fille du duc de Lorraine Simon 1er. Elle va apporter en dot à la maison des Hohestaufen la Bourgogne cisjuranne. Cette union a été immortalisée par Tiepolo dans une fresque visible dans la salle impériale du palais de Wurtzbourg, Elle va permettre aux Hohenstaufen d'assoir leur autorité sur la Bourgogne et la Provence, de contrôler les routes vers l'Italie, de bénéficier des droits de péage et des ressources économiques de la région comme les salines du Jura.
Frédric Barberousse va agrandir considérablement la résidence élevée par son père à Haguenau pour en faire un véritable palais impérial, aujourd'hui disparu, mais dont une stèle marque toujours l'emplacement. La ville va se développer autour du château, sera fortifiée à partir du 12e siècle et par une charte de 1164 va aussi obtenir divers privilèges. Il aura aussi à cœur restituer à l'abbaye de Hohenbourg les biens spoliés par son père et de veiller à son renouveau en appelant à sa tête une parente, l'abbesse Relinde religieuse à Sainte-Croix-de-Bergen, qui va initier à la culture et aux arts Herrade dite de Landsberg. auteur de l'Hortus Deliciarum.
Henri VI le Cruel (1169-1197)
Frédéric Barberousse avait soigneusement préparé sa succession en faisant élire et couronner de son vivant Henri son fils aîné à Aix-la-Chapelle en 1169. Le 27 janvier 1186 celui-ci épouse Constance de Hauteville, la fille posthume et seule héritière de Roger II de Sicile. Après son couronnement comme empereur par le Pape Célestin III le 15 avril 1191, il revendique le royaume de Sicile à Tancrède de Lecce et assiège Naples, mais cette tentative va avorter suite à une épidémie qui décime ses troupes. C'est finalement en 1194, après la mort de Tancrède, qu'il va s'emparer de Palerme et destituer Guillaume III, le jeune fils, qui aura les yeux crevés et sera envoyé en exil. Sybille, la femme de Tancrède aurait trouvé refuge à l'abbaye de Hohenbourg en Alsace. Au cours de cet épisode il va faire montre de sa cruauté en faisant encore exécuter ses opposants d'où l'origine de son sobriquet.
En Allemagne Henri VI poursuivit la lutte contre le parti Welf pour affermir son autorité et s'opposa, comme ses prédécesseurs, à la Papauté. On lui attribue aussi la capture de Richard Coeur de Lion, qu'il retient prisonnier à Trifels et qu'il ne libérera que contre une forte rançon. Alors qu'il préparait une nouvelle croisade, il meurt le 28 septembre 1197 à Messine à l'âge de 31 ans probablement de malaria ou de dysenterie. Malheureusement il ne réussira pas à assurer sa succession car après sa mort c'est le Welf Otton IV qui va monter sur le trône de 1198 à 1215.
Frédéric II (1212-1250)
Otton IV, fils d'Henri le Lion, fut défait à la fameuse bataille de Bouvines qui l'opposa, avec les troupes coalisées de Jean sans Terre et du comte Ferrand de Flandre, à Philippe Auguste en 1214. Ayant perdu le soutien de la Papauté et suite a ses revers militaires il fut déposé et se réfugia au château de Harzbourg où il mourut en 1218.
Peu après sa naissance en 1194, Frédéric II va être couronné roi de Sicile et en 1196, sous l'influence de son père, élu comme devant lui succéder dans le royaume de Germanie. Mais son élection effective n'intervint que le 5 décembre 1212 à Francfort et son couronnement le 9 décembre 1212 à Mayence par l'archevêque Siegfried II d'Eppstein. Après la défaite de Bouvines, un second couronnement est organisé à Aix la Chapelle le 25 juillet 1215. Son intronisation comme empereur eut lieue à Rome le 22 novembre 1220 par le Pape Honorius III. On lui connaît trois épouses, Constance d'Aragon (1210) morte à Catane peu après son couronnement comme impératrice, Isabelle II de Jérusalem (1225), décédée en 1228, Isabelle d'Angleterre (1235) et plusieurs liaisons extra-conjugales dont celle avec Adélaïde d'Urslingen, fille de Conrad duc de Spolète et neveu d'Egenolphe de Rappolstein. Leur fils Enzio (Heinz) était un chef de guerre célèbre au service de son père, mais aussi poète de l'Ecole Sicilienne, qui devint roi de Sardaigne avant d'être emprisonné à Bologne où il va décéder en 1272.
Le personnage de Frédéric II a marqué l'histoire de la première partie du 13e siècle pour sa curiosité pour les arts, les sciences et les lettres, son aptitude à parler plusieurs langues comme l'italien, l'allemand, le latin, le grec et l'arabe et pour sa volonté et son courage à toute épreuve. Comme il a passé sa jeunesse à Palerme, dans un environnement multiculturel, il était aussi tolérant à l'égard des religions chrétiennes, musulmanes ou juives. Son charisme et le faste de sa cour ont donné naissance à un mythe et lui a valu le surnom de stupor mundi, la stupeur du monde.
Étant empereur, roi de Sicile et plus tard roi de Jérusalem il eut beaucoup de mal à asseoir son autorité sur l'ensemble de ses territoires. Le Saint-Empire, contrairement au royaume des Capétiens n'était pas centralisé mais morcelé en une multitude de duchés, comtés et seigneuries. Le roi, avant d'être couronné empereur était élu par des princes-électeurs attachés à leurs prérogatives. L'empereur résidait surtout en Sicile ou en Italie et ne fit que trois séjours prolongés en Allemagne. Il était donc difficile pour lui de maintenir un pouvoir sans s'appuyer sur les grands dignitaires laïcs ou religieux et sans leur accorder des droits régaliens comme celui de battre monnaie ou de percevoir des droits de péage (Confoederatio cum princibus ecclesiasticis en 1220 ou Statutum in favorem principum 1231/1232). Après avoir été sacré empereur en 1220, Frédéric II fit élire son fils, issu de sa première union, Henri II de Souabe comme roi sous le nom de Henri VII. Sur injonction de son père, Henri épouse Marguerite d'Autriche mais entre en conflit avec lui quand il attaque plusieurs princes allemands, encourage les villes d'Empire au détriment de l'aristocratie, veut rompre son mariage ou cherche à nouer des alliances avec les Lombards et le roi de France Louis IX. Frédéric II arrive en Allemagne en 1235, le destitue et l'emprisonne à Heidelberg puis à Alerheim avant de le transférer dans les Pouilles. Au cours d'un de ces déplacements il serait mort suite à une chute de cheval en février 1242 et enterré avec les honneurs à Cosence.
Si la situation du Saint-Empire était mouvementée, elle n'était guère plus apaisée en Italie où Frédéric II était en conflit permanent avec la Papauté qui craignait l'encerclement. Excommunié à plusieurs reprises, l'empereur a même été déposé par le Pape Innocent IV lors du concile de Lyon de 1245. Cette rivalité attisait les guerres civiles entre Guelfes et Gibelins et le conflit avec l'alliance militaire lombarde. Victorieux à Cortenuova en 1237 il va connaître des déconvenues à Milan, Brescia, Florence, Bologne et Parme en 1248.
Par tradition l'empereur était considéré comme un soutien essentiel de la chrétienté. Frédéric Barberousse s'était déjà engagé dans la troisième croisade et son fils Henri VI était à l'origine de l'expédition de 1197. Dès son couronnement en 1215, Frédéric II avait exprimé le vœu de participer aux expéditions en Terre Sainte. Mais il ne va pas participer à la désastreuse cinquième croisade, malgré les espoirs du Pape. Le mariage avec Isabelle II de Jérusalem va lui permettre de consolider son pouvoir en Orient. Il va reporter sans cesse sa participation aux expéditions ce qui va le rendre coupable d'inertie aux yeux du Pape. Après le décès d'Honorius III et l'accès au siège pontifical de Hughes d'Ostie sous le nom de Grégoire IX les tensions avec l'a Papauté s'aggravèrent jusqu'à aboutir à son excommunication en 1227 pour manquement à son devoir sacré. Malgré cet anathème Frédéric II reprit son projet de croisade en 1228, mais par voie diplomatique, en négociant avec le Sultan d'Egypte Al-Kâmil et en signant le traité de Jaffa le 1er février 1229 qui lui attribuait un contrôle partiel de Jérusalem ainsi que la restitution de Nazareth, Bethléem, Sidon et Jaffa. Le 18 mars 1229 Frédéric II se proclama roi de Jérusalem. Ce succès diplomatique, qui renforçait le pouvoir impérial allait à l'encontre du modèle de croisade imaginé par la Papauté. Il va attiser la haine que lui portait le Pape au point de le diaboliser et d'aboutir à sa déposition au 1er concile de Lyon en 1245, organisé par Innocent IV, la successeur de Grégoir IX.
Après sa mort des suites de dysenterie le 13 décembre 1250 à Fiorentino dans les Pouilles, il sera enterré dans la cathédrale de Palerme et laissera une situation très ébranlée en Allemagne et en Lombardie.
De Conrad IV à Conrandin
Frédéric II avait désigné de son vivant son fils Conrad IV, issu de son mariage avec Isabelle de Jérusalem, comme devant lui succéder. Intronisé roi de Jérusalem et duc de Souabe il sera élu roi des Romains en 1237, à l'âge de 9 ans. La Papauté décidée à mettre un terme à la dynastie des Hohenstaufen suscita l'élection d'antirois comme Henri le Raspon, landgrave de Thuringe ou Guillaume II de Hollande qui épousa Elisabeth, la fille du Welf Otton IV de Brunswick. Conrad IV quitta l'Allemagne après la défaite de la Nidda pour consolider l'héritage sicilien et italien administré par son demi-frère Manfred, fils illégitime de Frédric II et de sa maîtresse Bianca Lancia. Excommunié par le Pape Innocent IV en 1254, il mourut de fièvre le 21 mai 1254 à Lavello à l'âge de 26 ans et fut inhumé en la cathédrale de Palerme.
Après la mort de Conrad IV, Manfred assura d'abord la régence du royaume de Sicile au nom de son neveu Conrandin seul descendant de Conrad IV avant de se proclamer roi de Sicile en 1258. Face au danger, la Papauté s'était d'abord tournée vers le roi d'Angleterre Henri III avant de demander l'intervention du roi de France Louis IX par l'intermédiaire du frère de celui-ci, Charles, duc d'Anjou et comte de Provence. Les négociations, dont le but était de confier la couronne de Sicile à Charles d'Anjou, furent conduites par Urbain IV puis par Clément IV un Pape français. Charles d'Anjou devait promettre la séparation perpétuelle du Royaume des Deux Siciles de l'Empire et le versement d'un tribut annuel au Saint Siège ; c'est sous ces conditions qu'il fut intronisé le 28 juin 1265 par Clément IV.
C'est près de la rivière Calore, à proximité de Bénévent, que l'armée du duc d'Anjou, forte de 12000 hommes, écrasa les troupes de Manfred en entraîna sa mort. Conradin, fils de Conrad IV tenta en vain de récupérer son héritage et, par une ruse tactique, la cavalerie de Charles remporta une victoire décisive à Tagliacozzo en août 1268. Conrandin fut capturé et exécuté en place publique le 29 octobre 1268 à Naples ; il avait seulement 16 ans. Cette cruelle exécution va ternir l'image du régime capétien, conduire à la révolte de Palerme du 30 mars 1282, connue sous le nom de Vêpres Siciliennes, et profiter à Pierre III d'Aragon, gendre de Manfred, qui va s'octroyer la couronne de Sicile alors que celle de Naples restera angevine pendant encore des siècles.
Ainsi s'achève l'histoire de la dynastie des Hohenstaufen dont la chute a été provoquée par l'affrontement avec la Papauté, les expéditions successives en Italie et les guerres civiles entre Guelfes et Gibelins. Elle aura laissé en Alsace quelques traces comme l'église Sainte-Foy de Sélestat, la ville de Haguenau, siège du Grand Baillage et de nombreuse ruines de forteresse bâties par les Hohenstaufen ou leurs vassaux. Le duché de Souabe et d'Alsace profita grandement des richesses accumulées par les conquêtes ce qui fait dire à Charles Kautsky - on peut dire que les alsaciens n'étaient jamais aussi patriotes allemands que sous les Hohenstaufen -.
Bruno Meistermann
Bibliographie indicative :
Les Hohestaufen : Pierre Jundt : 1969
Un millénaire d'histoire bénédictine à Sélestat : Annuaire des amis de la bibliothèque de Sélestat 1980 : René Bornert
Geschichtliche Notizen über die St Fideskirche zu Sclettstadt : Bulletin de la société pour la Conservation des Monuments Historiques d'Alsace 1893 : L. Dacheux
Geschichte der Hohenstaufen und iherer Zeit 1824 : Friederich Raumer
Histoire politique et religieuse de Haguenau : Victor Guerber : 1876
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